La cour administrative d’appel de Lyon, en France, a condamné mardi à 1 000 euros d’amende un couple musulman qui accusait un hôpital d’être responsable du handicap de son enfant. L’instance a estimé que seul le père était fautif parce que, selon le centre hospitalier, il s’était opposé à l’intervention d’hommes médecins pendant l’accouchement difficile de sa femme. Une version que Redouane Ijjou a toujours niée.
Jugé coupable du handicap de son enfant. La cour administrative d’appel de Lyon (Centre-Est) a condamné mardi un couple musulman à verser une amende de 1 000 euros – au titre des frais de justice – à l’hôpital de Bourg-en-Bresse. Le même centre hospitalier que les époux Ijjou rendaient responsable des complications neurologiques ayant laissé leur fils Mohamed handicapé à 100%. La cour a tranché que « l’état de l’enfant était totalement imputable à l’attitude de M. Radouane Ijjou » et que les mariés ne pouvaient « rechercher la responsabilité (…) du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse ».
Coupable des « graves complications neurologiques »
Une allusion au fait que, selon les preuves apportées par l’hôpital, Radouane Ijjou s’est opposé à l’intervention d’hommes médecins lorsque l’accouchement de sa femme s’est compliqué le 8 novembre 1998, nécessitant une césarienne. « Dès 9h40, la sage femme a appelé l’interne de garde et, invoquant ses convictions religieuses, M. Ijjou s’est, jusqu’à 10h10, physiquement opposé à toute présence masculine dans la salle d’accouchement », indique l’arrêt de la cour.
Le document poursuit : « Lorsque vers 10h10, après négociation, M. Ijjou ne s’est plus opposé à l’intervention des médecins masculins, il était trop tard pour commencer une césarienne et l’extraction de l’enfant a dû être effectuée par application de forceps ». Et de conclure que l’intervention présumée du père a empêché de réaliser les examens qui « auraient permis de prévenir les graves complications neurologiques dont a été victime le jeune Mohammed ».
Mauvaise donne
« C’est une décision logique au regard du dossier fourni par l’hôpital et de ses attestations et témoignages disant que M. Ijjou a fait obstruction à tout personnel masculin », concède l’avocate des condamnés. Me Isabelle Damiano ajoute cependant que ses clients partaient avec un sérieux désavantage : « Ils se sont présentés devant l’expert désigné seuls, sans avocat, sans médecin conseil. Or, cette étape est la plus importante dans un procès. C’est là que tout se joue ».
Parce qu’ils n’étaient pas accompagnés, Me Isabelle Damiano explique qu’ils n’ont pas pu collecter les preuves nécessaires pour démontrer que Redouane Ijjou ne s’est jamais, comme il le clame, opposé « à une quelconque intervention masculine que ce soit ».
« Faire intervenir la sécurité ou la police »
Elle souligne cependant que, même si opposition il y avait eu, « l’hôpital aurait dû faire intervenir la sécurité ou la police pour faire sortir M. Ijjou ». Lorsqu’on lui demande si l’hôpital aurait pu chercher à couvrir une faute en mettant en cause la foi de son client, l’avocate du barreau de Lyon répond : « C’est la parole de l’un contre l’autre. Je ne sais pas ce qui s’est passé, je n’étais pas là. Mais je respecte la parole de M. Ijjou ».
La première fois que la justice avait donné tort aux Ijjou, c’était en mai 2006. Le tribunal administratif de Lyon avait alors débouté la demande d’indemnités qu’ils réclamaient à l’hôpital. Il s’agissait d’une « indemnité provisionnelle de 100 000 euros et, à titre personnel, une somme de 10 000 euros ». Les Ijjou n’ont pas encore reçu la notification du jugement de mardi mais, une fois le document arrivé, ils pourraient décider avec leur avocate de se tourner vers le Conseil d’Etat.