Le deuxième long métrage du réalisateur et acteur béninois Sylvestre Amoussou « Un pas en avant, les dessous de la corruption » sortira le 9 novembre sur les écrans de cinéma français. Le film entièrement tourné au Bénin, à Cotonou, relate l’histoire d’un petit artisan à la recherche de son frère. Il se retrouve finalement embarqué dans une affaire de détournement d’aide humanitaire. Un film émouvant, qui dénonce les pratiques de la corruption en Afrique. Il fait aussi un clin d’œil aux africains pour les inciter à s’intéresser à la politique de leurs pays.
A 47 ans, Sylvestre Amoussou, qui vit en France, a déjà réalisé plusieurs longs métrages, dont « Africa Paradis » et « L’argent sale ». Selon lui, il est nécessaire que les Africains réalisent leurs propres films pour imposer leur vision des choses. Il joue le personnage principal dans « Un Pas en avant », ce qui lui a valu le prix de la meilleure interprétation masculine au FESPACO.
Afrik.com : Qu’est ce qui vous a poussé à créer un film sur la corruption ?
Sylvestre Amoussou : J’ai eu envi de faire ce film car la corruption empêche le développement du continent africain. Les Africains doivent prendre leur destin en main et réfléchir par eux-mêmes. En attendant, d’autres pays décident à leur place et continuent de piller le continent. Je n’ai pas la prétention de donner des leçons. Mais je soulève un problème de société pour que les gens en débattent. Il faut que les Africains puissent parler de leurs problèmes avec leur propre regard et non celui des européens.
Afrik.com : Réaliser un film nécessite beaucoup de moyens financiers. Comment avez-vous financez le votre ?
Sylvestre Amoussou : J’ai été soutenu par le gouvernement du Bénin, la société civile béninoise, le fonds de France indépendant qui a apporté un apport de 70 000 euros et le centre du cinéma marocain. Le film est totalement indépendant. Je suis libre de dire ce que bon me semble. C’est très important, car il n’est pas biaisé ni orienté. La plupart des films africains sont financés par la France. Ce qui est problématique puisqu’elle veut en retour qu’on parle d’elle selon son point de vue. D’ailleurs, les médias français comme France télévisions, refusent de parler de ce film car ils ne veulent pas apporter de l’importance à un film qui met en cause les relations que la France entretient avec l’Afrique. Peu de salles de cinéma ont accepté de le diffuser. Seul le dirigeant de l’espace Saint Michel à Paris a accepté de le diffuser car il s’est basé sur la qualité du film tout simplement. Nous espérons que le public l’aimera pour qu’il soit diffusé dans d’autres salles.
Afrik.com : Le Film peut sembler un peu naïf pour certains car vous traitez la corruption, qui est un sujet grave, avec beaucoup d’humeur et de légèreté. Pourquoi ?
Sylvestre Amoussou : Je voulais mettre en évidence ma sensibilité africaine et mettre en avant ma culture. Vous savez en Afrique, quand il y a des décès, il y en a qui pleurent et d’autres qui rient. On n’a pas à traiter le sujet de façon dramatique pour copier sur les Européens. C’est important de s’adresser au peuple le plus simplement possible. Certains m’ont dit que j’allais trop loin par craintes des réactions que peuvent susciter le film. Mais il faut appeler un chat un chat. Il y a des corrompus. Même les donateurs détournent une partie de l’aide avant de l’envoyer.
Afrik.com : Qu’est ce qui vous a mené vers la réalisation ?
Sylvestre Amoussou : Cela fait plus d’une vingtaine d’année que je suis comédien. On me donnait toujours des rôles caricaturaux de l’africain voleur, polygame… Lassé, j’ai ainsi décidé de créer mes propres films. C’est ce qui m’a mené à la réalisation. J’ai appris à être derrière la caméra au fur et à mesure. J’ai fait des stages auprès de nombreux réalisateurs. J’ai réalisé sept courts métrages avant de réaliser mon premier film.
Afrik.com : On peut voir tout au long du film de magnifiques paysages du Bénin et entendre la voix du chanteur sénégalais Wasis Diop. Il semblerait que vous teniez à mettre en avant ces deux éléments ?
Sylvestre Amoussou : Les gens ont une image déformée de l’Afrique. Je voulais montrer que les pays africains ne sont pas uniquement caractérisés par le misérabilisme dont parle souvent l’occident. Ils ont aussi de beaux décors et des paysages qui font rêver. Quant à la musique originale, c’est celle du Sénégalais Wasis Diop. J’ai d’ailleurs fait venir au Bénin un nombre incalculable d’acteurs Sénégalais et antillais. On a l’habitude de les voir dans de petits rôles. Je les ai tous rassemblés pour le film. L’occasion aussi pour eux de jouer en Afrique.
Afrik.com : Quels sont vos projets ?
Sylvestre Amoussou : Je travaille actuellement sur un autre long métrage qui relate le drame des rapports Nord-Sud. Il faut combattre la corruption pour plus de démocratie en Afrique. Mais pas de manière brutale comme le font les occidentaux. Dénonçons la corruption pour avancer et construire un monde meilleur à nos enfants. Je pense que le cinéma africain a un rôle à jouer. Faire un film coute très cher mais l’Afrique a aussi besoin de rêver. Si elle veut être indépendante elle doit financer son image.
Sortie du film « Un pas en avant, les dessous de la corruption » : le 9 novembre.
Projection : Espace Saint Michel, 75005 Paris.
Séances : 14h-16h-18h-20h
Première projection : rencontre et débat avec les acteurs