Un numéro pour la vie


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Au Burkina Faso, des milliers de personnes portent les mêmes noms et prénoms. Ce qui pose des problèmes récurrents au quotidien et à l’administration. Pour pallier ce problème, les autorités lancent en avril un recensement administratif qui permettra d’attribuer à chaque Burkinabé un numéro d’identification très personnel.

Les Burkinabés seront bientôt des numéros… En effet, le gouvernement a décidé de procéder à un recensement administratif de la population du pays qui permettra d’attribuer à chaque habitant un « identifiant unique, définitif et informatisé », selon le ministre de l’Administration territoriale Moumouni Fabré. Ce numéro d’identification sera composé de 12 chiffres : six binaires renvoyant respectivement à la région, la province, la commune, le village, au registre de recensement puis au registre de naissance de la ville de naissance. Le but affiché du gouvernement : sécuriser le fichier d’état civil, lutter contre les falsifications d’identité, faciliter la reproduction des documents égarés et surtout clarifier les longues listes d’homonymes.

Le Burkina Faso compte en effet des milliers de Ouédraogo, Traoré et autres Ouattara. Des homonymes complets (noms et prénoms) qui ne vont pas sans poser de problèmes au quotidien. Les seuls documents officiels prouvant l’identité sont les actes de naissance qui ne comportent pas de photos. Dans certaines régions, les autorités sont obligées, pour s’y retrouver, d’appliquer la règle des numéros : Traoré 1 côtoie Traoré 2 ou 3 sur les papiers officiels… Et lorsqu’il faut légaliser des papiers au niveau de l’administration, une seule solution : le certificat d’individualité, produit à partir de l’acte de naissance.

Erreurs et confusions

Dès l’école primaire, les homonymes posent des problèmes qui vont en s’accentuant avec l’âge. Lors des concours, il arrive souvent que l’admis soit confondu avec le recalé…et vice-versa. Et il est déjà arrivé qu’un Traoré soit obligé de payer la pension alimentaire de son homonyme… D’autres confusions, moins graves, sont légions. « Je travaille pour L’Observateur paalga », explique Issa Barry, « Un journaliste de l’hebdomadaire Bendré porte le même nom que moi. On m’a souvent dit que je travaillais pour cet hebdo alors que ce n’est pas vrai… J’ai rencontré dernièrement mon homonyme et cette histoire nous a bien amusés ! »

Parfois, des centaines de personnes se retrouvent avec le même patronyme. « Au Nord, dans la région de Ouahigouya, par exemple, 90% des gens s’appellent Ouédraogo et tous les premiers fils de famille sont nommés Amadé », indique un habitant de Ouagadougou. Et pour lui, le recensement ne devrait pas changer le quotidien des personnes affublées d’un ou plusieurs homonymes. « L’identifiant va simplifier le travail de l’administration mais comme une grande partie de la population n’est pas lettrée, elle ne se retrouvera pas dans un numéro. Je pense qu’il faudra attendre cinq ou dix ans pour que les gens s’habituent. »

Nouvelles cartes d’identité

Pour le ministre de l’Administration territoriale, « l’institution et l’organisation du recensement administratif font partie de la politique nationale de population ». « Cela devrait éclairer l’Etat dans ses prises de décisions en matière de scolarisation, d’information démographique et socio-économique et permettre la sécurisation des identités. » Le ministre évoque également les autres enjeux de ce recensement : « la mise en chantier des communes rurales, le fichier électoral et la carte d’identité infalsifiable ». L’opération doit se dérouler du 10 au 30 avril prochain et coûtera 1,135 milliard de F CFA. Les données recueillies seront renouvelées tous les cinq ans.

Le recensement ne prendra pas en compte les Burkinabés de l’extérieur, ce qui fait écrire à certains journaux que cette opération a des visées électorales et des relents « xénophobes », dixit Le Temps. Ce dernier pointe une « politique d’identification au caractère xénophobe et exclusionniste ». « L’opération ne s’inscrit pas dans le cadre de l’élection présidentielle de 2005 », a assuré Moumouni Fabré lors d’un point presse au début du mois de février. De fait, ce ne sont pas les possibles manœuvres politiciennes autour de cette identification qui semblent le plus inquiéter les Burkinabés. « En ce moment, il y a confusion entre le recensement des listes électorales, qui est en cours, et le recensement administratif, qui commence bientôt. Il faudrait expliquer clairement aux gens la différence entre les deux », explique un journaliste de Bendré.

« Le recensement administratif va permettre la création d’une nouvelle carte d’identité et les gens se demandent si cette carte ne sera pas trop difficile à obtenir. Jusqu’ici, il était très facile de se faire faire une pièce d’identité, au commissariat le plus proche et en trois jours. Résultat : certaines personnes en avaient plusieurs ! Pour la nouvelle carte, toutes les informations seront informatisées et centralisées à Ouagadougou et Bobo Dioulasso. Les demandes seront beaucoup plus longues à être traitées et pourront prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois… » Un laps de temps pendant lequel il sera bien difficile de prouver son… identité !

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