Il n’y a plus de girafes au Niger. Enfin, presque plus : de trois mille membres dans les années 60, la petite colonie de grands ruminants est tombée à quarante têtes à peine. La désertification et le braconnage ont eu raison de ce brave ongulé artiodactyle, comme dit le dictionnaire – et cela provoque on ne sait quelle nostalgie.
On croit la connaître, mais sait-on bien au juste à quoi ressemble une girafe ? La plupart des écoliers africains, à l’instar de leurs condisciples européens, ont surtout vu des girafes en photo. Cela ne l’empêche pas d’être familière : pour nous tous, la girafe figure dans le même grand bestiaire mental où nous classons l’ensemble des espèces animales. Elle s’y tient immuablement, connue comme le chat ou le chien, sans que l’on pense assez qu’elle pourrait en disparaître définitivement. L’image des girafes est encore là, bien vivante, dans un des innombrables petits tiroirs de notre tête. Mais les girafes, elles, ont déserté la savane. Cela s’est passé comme d’habitude : en silence, sans qu’on y prenne garde. En douce.
Quand les cirques eux-mêmes n’en montreront plus, comment pourrons-nous nous représenter cette drôle de tête de dromadaire un peu endormi, emmanchée au bout d’un cou frêle à près de six mètres du sol ? Peut-être que dans cinquante à soixante ans, la girafe sera devenue un animal mythique. Ou bien, peut-être qu’on n’en parlera plus jamais hors des facultés de zoologie.
Les écoliers africains et tous les enfants du monde et même les adultes auront alors perdu une petite part, inquantifiable mais irremplaçable, de leur patrimoine commun. N’est-ce pas triste, un monde sans girafes ?