Un « Guru » qui fait avancer la musique béninoise


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Gogoyi Akuègnon Prosper
Gogoyi Akuègnon

A 38 ans, Gogoyi Akuègnon Prosper dit GAP, est le fondateur et patron de la prospère maison de production et d’enregistrement de clips vidéo GURU au Bénin. Les artistes qui sortent de son écurie occupent toujours le haut de l’affiche. Actuellement, c’est encore le premier single « Lonlonyin » de sa dernière signature qui est propulsé au sommet des charts dans tout le pays. Cet homme de talent qui semble détenir le secret de la réussite, méritait bien une petite visite.

De notre correspondant Arnold Senou

Il est 10 heures jeudi dernier, lorsque je me retrouve au quartier Gankpodo à Akpakpa (Cotonou), en face d’une Eglise Evangéliste, dans la maison de production et de réalisation de clips vidéo GURU, pour un entretien avec l’homme qui est devenu en un an, un grand patron dans l’univers du disque au Bénin. Etant encore en rendez-vous, il s’excuse de son retard, me rassure au téléphone et me dit qu’il sera bientôt à mes côtés. Pour me faire patienter, Sunday, un jeune homme qui lui tient son magasin de gravage de CD, situé à quelques kilomètres de là, me fait une petite visite imprévue des lieux.

Discrétion et sobriété

Le cadre n’a pas l’air d’une maison de musique. Sur la première moitié de la largeur de la maison, trône un bar : « le Club des Stars ». Une large paillote, des chaises et quelques tables. En face, un comptoir rempli de rafraîchissements, et une petite scène live attenant au débit de boissons. Dans le fond de la maison, sur la deuxième moitié de sa largeur, à gauche, une porte sombre et épaisse qui, franchie, donne accès au studio d’enregistrement. Des instruments de musique, tels que des guitares basses, électriques, des djembés ou encore des claviers s’y reposent. Dehors et à droite, le studio de réalisation de clips vidéo où je ne pourrai pas mettre les pieds, car il est occupé. Entre ces deux salles, un couloir étroit mène au bureau du patron. On m’y installe. Ici, aucune récompense des Afafa (groupe phare de la maison qui, en seulement une semaine après la sortie de son deuxième album Doudédji, en a vendu 4.500 exemplaires : un record au Bénin), ou autres trophées de chanteurs maison. Cela démontre bien la discrétion et la sobriété dont s’entoure M. Gogoyi. Il est donc question de deux fauteuils beiges, d’un canapé de la même couleur, de deux petits catalogues de vente d’instruments de musique qui reposent sur un tapis bordeaux.

Du partenariat, à l’autonomie

Trois quarts d’heure plus tard, un homme de stature imposante, portant une chemise carrelée sur un jean, entre : l’entretien peut donc commencer. C’est en 1998, qu’à tout juste 30 ans, ce féru d’instruments de musique a ouvert un magasin de location et de vente d’équipements audio-visuel (instruments de musique, logiciel de studio, …). En 2000, pour faire connaître des musiques populaires et traditionnelles du Bénin, sous l’enseigne CM (Comptoir Mercantile) GAP ( ses initiales), il fait un partenariat avec Stéphane Johnson (DJ) et Musigerme (un label), pour produire dans le studio de celui-ci. A cette époque, sa boulimie l’avait poussé à chercher à faire connaître nombre d’artistes du pays. Ainsi, il produisait beaucoup, pour un résultat pas toujours satisfaisant. Néanmoins, cela lui aura permis, plus tard, de poursuivre, son travail, avec les quelques artistes qu’il y avait trouvés talentueux.

Sa collaboration avec Musigerme s’achèvera pour des raisons de « flottement», comme il le dit lui-même, parce que certains de ses artistes ont attendu parfois deux ans avant de voir leur album se réaliser. Pour satisfaire pleinement ses chanteurs, cet homme qui a fait des études universitaires dans les domaines de la chimie et de la biologie, crée, il y a un peu plus d’un an, la maison de production et de réalisation de clips : GURU. Ce nom, qui se veut son pseudonyme, serait apparu lors de ses propos tenus au lancement de l’album des Sakpata Boys (premier groupe de rap béninois, pour lequel, il était à l’époque, le manager), lancement à la fin duquel, le public, tel un peuple acquis à la parole du maître à penser qu’il fut ce soir-là, se serait écrié : « Gourou ! Gourou ! ». Chez GURU, un label qu’il a créé avec quinze millions de francs CFA (15 000 000 F CFA), M. Gogoyi rappelle que l’esprit d’écoute et de partage est de rigueur. Il écoute les suggestions de ses techniciens, monteurs, cadreurs, et se met à leur hauteur. Comme il le rappelle lui-même, « ici, personne ne doit dire je sais tout ». Il reconnaît d’ailleurs que son équipe est son premier collaborateur. C’est peut-être ce qui explique le succès de sa maison (dont, un peu gêné par ma question, il taie le bénéfice, mais il reconnaît tout de même s’en sortir), qui se résume en deux autres points majeurs. D’abord, une musique dépouillée mais soignée où aucun instrument n’est de trop. Puis, des clips vidéo nets, bien fignolés, colorés, au montage toujours percutant, et qui font de GURU, la meilleure dans ce domaine dans le pays.

Trois maquettes retenues sur 150 retenues par an

Pour un artiste, la signature, chez GURU, nécessite du travail, de la persévérance. Il lui faut apporter une maquette et une demande de production (qui se résume à une lettre), le tout déposé au secrétariat qui les envoie au studio. Tous les premiers jeudi du mois, il y a un comité d’écoute (cinq membres) formé d’animateurs radio, d’hommes de presse et de lui-même et, ensemble, ils écoutent, critiquent et retiennent s’il le faut. D’un regard compatissant, il reconnaît que très peu de ces aspirants chanteurs parviennent à être pris. Selon les statistiques, sur 150 maquettes reçues par an, l’homme et son équipe n’en retiendraient que trois, ce qui montre qu’il est passé d’une production de masse, à une plus faible et efficace derrière laquelle, des moyens énormes sont mis. C’est ainsi que Jade, un jeune étudiant en fin d’études à l’Université, a été récemment signé. Cette étape de sélection passée, M. Gogoyi fait des suggestions sur le plan des textes, à la personne recrutée. D’autres apportent directement les paroles, et il les étudie, écarte certains textes et retient d’autres. Mais cet homme très mobile qui ne saurait attendre que de futurs talents viennent à lui, va au devant de ceux-ci, en se rendant dans des cérémonies, des bals et porte une attention particulière aux chanteurs.

Pour cet homme dynamique, qui voit grand et qui, depuis deux ans a signé des partenariats avec des labels de la sous-région comme Kennis Music (Nigeria) ou encore Master Mix (Côte d’Ivoire), il ne faut surtout pas s’arrêter en si bon chemin. Et son leitmotiv reste l’envie. Cette envie qui l’anime et fait qu’il veut voir un beau jour des produits béninois rivaliser aux côtés de produits occidentaux. Cette envie qui voudrait qu’on parle des chanteurs béninois comme des chanteurs ivoiriens ou américains. Enfin, il caresse l’envie de créer une chaîne de télévision et de radio. Et ce dernier désir devrait voir le jour, si tout va bien, dans un futur très proche. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.

Contact : GURU Records : 06 BP 1742 Cotonou Bénin

Tel : (00 229) 90 90 46 44 ou 93 46 57 58

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