Les autorités algériennes ne semblent pas préoccupées par l’annonce faite mardi de la création du « gouvernement provisoire kabyle » (GPK) par le chef du mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK), Ferhat Mehenni. « Ce n’est que du tintamarre », a affirmé, mercredi, le Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia. Le berbériste et chanteur Ferhat Mehenni, critiqué au sein même de son mouvement, voudrait, lui, négocier avec le gouvernement l’autonomie de la Kabylie. Mais les autorités algériennes semblent loin d’être dans les mêmes dispositions.
La Kabylie d’abord ! Le chef du mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK), Ferhat Mehenni, a solennellement proclamé mardi à Paris la création du « gouvernement provisoire kabyle » (GPK), chargé de défendre son projet d’autonomie de cette région. Mais la classe politique en Algérie n’a pas fait grand cas de la nouvelle. « Ce n’est que du tintamarre », a déclaré mercredi le Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia, rapporte lematin.net. «Mais c’est qui celui-là ?», a renchéri le ministre de la Communication Nacer Mahel. Pour l’historique Front de Libération nationale (FLN), ce projet « n’a aucun impact sur le terrain, ni en Kabylie ni ailleurs ». Le « gouvernement » dirigé par Ferhat Mehenni est composé de dix membres. Aucune personnalité connue n’en fait partie. Le président du MAK a expliqué, mardi au Palais des Congrès de Paris, au cours d’une cérémonie durant laquelle il a annoncé la création de son « gouvernement », les raisons de cette démarche. « Niés dans notre existence, bafoués dans notre dignité, discriminés sur tous les plans, nous nous sommes vus interdits de notre identité, de notre langue et de notre culture kabyles, spoliés de nos richesses naturelles, nous sommes à ce jour administrés tels des colonisés, voire des étrangers en Algérie », a-t-il affirmé.
«Tentations hégémoniques»
La démarche du chanteur et militant berbériste est critiquée au sein même de son mouvement. Ahmed Aït Bachir, membre fondateur du MAK a cosigné avec deux autres autonomistes une tribune dans le quotidien El Watan dénonçant « un aventurisme aux lendemains incertains ». Les signataires reprochent à Ferhat Mehenni, chef autoproclamé, de tomber dans « la caricature des pratiques héritées du mouvement national et du FLN, comme le zaïmisme, les tentations hégémoniques, l’arbitraire et la politique du fait accompli ». Selon eux, la cause autonomiste « n’autorise aucun individu, aussi courageux et éminent soit-il, ni groupe, aussi engagé et sincère soit-il, à s’autoproclamer représentant de la Kabylie, de parler en son nom et d’engager son avenir, s’ils n’ont pas été légitimement mandatés.» Pour ces militants, la situation n’est pas non plus propice pour une telle initiative. «Un gouvernement provisoire devrait tirer sa légitimité d’une situation de gravité exceptionnelle (guerre, répression massive ou climat insurrectionnel) (…). Si la situation de la Kabylie est tragique sur les plans économiques, social et sécuritaire, elle est toutefois loin d’une situation d’urgence qui pourrait justifier la mise en place d’un pouvoir de fait accompli », affirme le texte.
«Nous aimons l’Algérie »
Le chef du contesté «gouvernement provisoire kabyle» donne, quant à lui, dans l’ouverture. « Nous aimons l’Algérie, nous aimons l’ensemble des Algériens, a-t-il indiqué jeudi à Afrik.com. Mais nous préférons d’abord régler nos problèmes, les problèmes de la Kabylie. Nos acquis profiterons un jour à tous les Algériens ». Son «gouvernement» a tenu son premier conseil hier mercredi : « Nous sommes en train d’élaborer un plan d’action pour en entre autres acquérir une reconnaissance internationale». En ce qui concerne les critiques formulées par certains membres du MAK, l’intéressé, chef de « gouvernement » sans avoir été élu ni désigné, estime que « si les militants pour l’indépendance avaient attendu une légitimité populaire, nous n’aurions jamais eu de 1er Novembre ». A travers son « gouvernement », Ferhat Mehenni souhaite « créer un rapport de force entre la Kabylie et le gouvernement ». «Nous sommes ouverts au dialogue », insiste-t-il. Pas sûr que le gouvernement algérien l’entende de cette oreille.