Un « Gombo » très gluant et aphrodisiaque!


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Gérard Delteil aurait pu titrer son roman L’homme à abattre, mais il a choisi Gombo (Ed. Liana Levi, 2009), ce légume et condiment des contrées tropicales. Qu’à cela ne tienne! Ce roman noir, très noir, est d’une extraordinaire virilité; chaque page est une vraie extase littéraire. Une plongée corrosive au cœur de la société camerounaise d’aujourd’hui.

L’histoire: un journaliste satirique est condamné à six mois de prison ferme pour avoir raillé les mondanités de la première dame du Cameroun. Dans la prison de Tcholliré, il est enfermé dans une même cellule que des prostituées, lesquelles, en vérité, servent de cobayes aux expériences sur le sida d’un grand groupe pharmaceutique européen. Transféré dans la prison de New Bell à Douala, un vieux prisonnier aveugle lui apprend qu’il va être assassiné. Alors, à la faveur d’une mutinerie, Jean-Christophe Assamoa s’évade et trouve refuge chez un ancien ami de faculté, un expatrié français. Mais des intérêts énormes sont en jeu, le journaliste est abattu quelques heures avant son départ pour la France.

On peut déplorer un déluge de détails, une averse de clichés, les insuffisances du style et de la construction. Il n’en reste pas moins que Gombo est une plongée au coeur d’une société camerounaise dans le coma, et qui refuse de voir la vérité en face. Une société de surconsommation où le seul mot d’ordre est devenu « gombo », le pot-de-vin. Une société où tout se dégrade. Extrait: «Quelle mouche l’avait piqué de quitter la France pour revenir vivre dans ce pays où, au fil des ans, tout allait de mal en pis? Un pays où tout se déglinguait à vue d’oeil, le revêtement des trottoirs, les façades des édifices publics et la moralité des élites autoproclamés.»

Accessoirement, l’auteur soulève une question grave: que peut espérer un journaliste, en Afrique en général, et au Cameroun en particulier, en lançant un journal satirique? Faire réagir ses concitoyens? Ceux-ci sont trop accaparés par la lutte pour leur survie quotidienne pour s’intéresser à son discours moralisateur.

Ce gombo-là est à déguster! Impérativement! Il regorge d’expressions locales: «airbag» pour une femme charnue; «terminer le tableau» pour rouler vite; «pétiller»» pour boire du champagne; «appuyer» ou «torpiller» pour pénétrer une femme, etc.

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