Plusieurs fois ministre, maire puis préfet de Brazzaville, le général Benoît Moundélé-Ngollo, 66ans, publie « Lettres ouvertes ou Mea maxima culpa » (éditions Hémar, 2009). Un livre sans concession.
A lire ce livre, on a le sentiment qu’il s’agit-là d’un opposant qui rumine sa colère. Mais Benoît Moundélé-Ngollo n’est pas un opposant, c’est un pilier du pouvoir de Brazzaville. Et c’est ça qui détonne. Dépit, frustration, testament ou catharsis ? En tout état de cause, Benoît Moundélé-Ngollo n’y va pas de main morte. Scindé en douze textes et servi par une prose poétique, le livre « dénonce » tout le système, y compris lui-même. Extrait : « Je dénonce les personnes qui prennent le pouvoir/Par des coups d’Etat militaires/En marchant sur les cadavres de leurs concitoyens. »(Page 50) Quand on sait que le pouvoir auquel il fait partie est mêlé à tous les coups d’Etat congolais, on reste perplexe.
A vrai dire, Benoît Moundélé-Ngollo est définitivement un homme d’Etat doublé d’un homme de culture et son livre, d’une clarté liturgique, est un fleuve de plaisirs à la fois politique et littéraire. Certes, le style est discutable! (« A travers ma plume et mes écrits/Partant, je me dénonce moi-même… » (Une tautologie ennuyeuse). Mais le fond est profond et il n’est pas à côté de la plaque. Plus surprenant encore, il dédie son livre à toutes les victimes du stalinisme congolais, Massamba-Debat, Ikoko, Marien Ngouabi, Emile Biayenda, etc. Même si à quelques endroits le vocabulaire s’y prête, Bénoît Moundélé-Ngollo ne succombe pas aux sirènes du manichéisme.
Fuite en avant
Cependant, si dans ce livre Benoît Moundélé-Ngollo dégaine contre les crimes, tripatouillages, conccusions, etc, qui ont marqué l’histoire du Congo, il ne veut pas qu’on « jette en prison ou qu’on fusille » les présumés coupables. Il refuse d’être « un justicier, ni le Juge Suprême ». Il pense que « Justice se fera en son temps, c’est sûr, car chacun de nous, un jour, devra récolter les fruits de ce qu’il aura semé de bien ou de mal dans la vie. J’y crois plus fermement. » Une bonne fuite en avant. Et c’est là où le bât blesse. Il cite Albert Camus et oublie (ou feint d’oublier) que le même Camus écrivait : « La seule chose qui me paraît plus noble que la justice, c’est sinon la vérité elle-même, du moins l’effort vers la vérité. Nous n’avons pas besoin d’espoir, nous avons seulement besoin vérité. » Comment tendre vers la vérité sans traduire en justice ceux qu’il dénonce? La dénonciation a-t-elle un sens sans jugement? Des questions qu’esquive Benoît Moundélé-Ngollo.
Par ailleurs, en homme de culture, on a envie de lui recommander Montaigne, Spinoza et Nietzsche, lesquels considèrent le repentir comme le pire des mensonges : un mensonge à soi-même. Benoît Moundélé-Ngollo aurait dû chérir, depuis longtemps, « l’innocence, la seule façon d’être », selon Montaigne. Car, « … celui qui se repent d’une action est deux fois misérable ou impuissant ». En se livrant à une attaque en règle de ses « amis de 30 ou 40 ans » et en se repentant, Benoît Moundélé-Ngollo apparaît comme un homme misérable impuissant triste. Il a menti à lui-même. Son livre témoigne d’un narcissisme triste, et pour cause, « le repentir est une tristesse accompagnée de l’idée de soi-même ». Est-ce sa non-nomination au gouvernement qui l’a poussé à cet exercice? Ou une « cause interne », pour reprendre ces mots de Spinoza ? Plusieurs questions demeurent en suspens et, un jour ou l’autre, Benoît Moundélé-Ngollo devra y répondre, tant il a été l’un des artisans de la mort du Congo… « La confession et le repentir seuls/ Suffisent-ils à réparer tout le gâchis/Tous les préjudices et tous les torts/Causés du fait de mon orgueil/De mes ambitions et de mon égoïsme? » se demande-t-il. Mais il ne répond pas à la question.