L’OMS et les six plus grands éditeurs mondiaux de revues médicales vont mettre à disposition des instituts de recherches et des centres de formation des pays pauvres le fond documentaire de 1 500 titres sur Internet. De gratuit à pas cher, chaque pays » paiera » son abonnement en fonction de ses moyens financiers. Interview de Brigitte Aronson, responsable des collections à la bibliothèque de l’OMS.
L’abonnement aux diverses publications médicales coûte cher. Jusqu’à 1 500 $ le titre (10 000 FF). Une somme que les instituts et les chercheurs des pays du Sud ne peuvent évidemment pas se permettre de payer. D’autant qu’il existe pléthore de parutions. L’Organisation Mondiale pour la Santé (OMS) et les six premiers éditeurs mondiaux dans le domaine médical ont décidé de réparer le préjudice en mettant à disposition des pays en développement près de 1 500 titres sur le Net. La bibliothèque virtuelle, où chacun s’abonnera en fonction de ses moyens, ouvrira ses portes en janvier 2002.
Afrik : Quelle est la genèse de cette initiative ?
Brigitte Aronson : Nous sommes partis d’un constat. Les publications scientifiques constituent la base de communication entre les chercheurs du monde entier. Les prix pratiqués pour les abonnements ont jusque-là toujours été les mêmes, quelle que soit l’institution à travers le monde. Et cela revient paradoxalement plus cher aux pays en voie de développement qui, parce qu’ils sont loin des centres de publication, doivent en plus assumer d’importants frais postaux. Il fallait que le coût des informations soit plus en accord avec les capacités des utilisateurs à payer.
Afrik : Donc vous êtes allée voir les éditeurs de revues médicales ?
Brigitte Aronson : Oui, mais il faut préciser que la proposition qui a été annoncée le 9 juillet dernier ne vient pas de nous. Nous avons seulement présenté le problème aux éditeurs, et leur avons demandé ce qu’ils pouvaient faire pour y remédier. Ce sont eux qui ont décidé de mettre à disposition 1 500 revues sur le Net, avec un abonnement adapté aux revenus de chaque bénéficiaire, mesurés en fonction du produit national brut de chaque pays (PNB). Tous les chiffres sont ceux de la Banque Mondiale, car c’est le seul organisme qui dispose de chiffres comparables pour tous les pays du monde, ndlr). Ainsi, les pays au PNB inférieur à 1000 $ par habitant (6 000 FF) seront affranchis de toute participation financière (plus de la moitié sont des pays africains, ndlr). Entre 1 000 et 3 000 $ par habitant (6 000 à 18 000 FF), même si nous n’avons pas encore les chiffres précis, les pays bénéficieront de tarifs très réduits.
Afrik : Concrètement, comment cela va t-il fonctionner ?
Brigitte Aronson : Nous avons déjà reçu beaucoup de courriers électroniques nous posant la même question. Pour l’instant, nous demandons à chaque organisme intéressé de nous envoyer des informations sur qui il est. Nous mettons actuellement en place une structure pour gérer et organiser les demandes d’abonnement. Le rôle de l’OMS sera de mettre directement en relation les instituts de recherches, les centres de formation et les éditeurs pour qu’ils établissent ensemble les contrats d’abonnement. Tout le monde sera sur un pied d’égalité, même ceux qui ne paient pas disposeront d’un contrat en bonne et due forme. Tous pourront ensuite accéder aux périodiques en ligne, avec leurs codes personnels, via le site Web de l’OMS. Qui constituera ainsi le portail de cette bibliothèque virtuelle.
Afrik : Internet est loin d’être la panacée dans les pays en développement et notamment en Afrique. Votre initiative n’est-elle pas forcément limitée ?
Brigitte Aronson : Evidemment, nous sommes bien conscients des difficultés dans les pays du Sud. A quoi sert-il de parler d’Internet là où il n’y a même pas l’électricité? C’est comme donner de l’eau à quelqu’un qui ne peut pas boire. Nous n’aurions jamais entrepris une telle initiative si elle avait été isolée. Mais elle rentre dans le cadre d’un programme plus vaste, lancé par Kofi Annan dans son » Milenium Agenda » : le Health Inter Network (que l’on peut traduire par le Réseau Internet Santé, bien qu’il n’y ait pas encore de traduction française, ndlr). C’est l’OMS qui a été choisie comme agence leader du projet. Et nous y apportons ainsi immédiatement notre première contribution.