« Un crime de guerre caractérisé » : Human Rights Watch dénonce un massacre de civils peuls par des milices pro-gouvernementales à Solenzo


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Burkina Faso Solenzo
Solenzo

Dans un rapport l’ONG Human Rights Watch révèle l’implication de milices soutenues par l’État burkinabè dans l’exécution sommaire d’au moins 58 civils, principalement d’ethnie peule, dans la région de Solenzo. Des vidéos documentant ces atrocités circulent sur les réseaux sociaux, suscitant l’indignation alors que le pays sahélien s’enfonce dans une spirale de violences à caractère communautaire.

Des milices alliées aux forces gouvernementales burkinabè sont accusées d’avoir perpétré un massacre sanglant les 10 et 11 mars 2025 dans la région de Solenzo, à l’ouest du Burkina Faso, selon un rapport accablant publié par Human Rights Watch (HRW).

L’organisation internationale de défense des droits humains a analysé des vidéos particulièrement choquantes circulant sur les réseaux sociaux, montrant ces groupes armés, identifiés comme appartenant aux Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), exécutant sommairement et torturant des dizaines de civils, majoritairement issus de la communauté peule.

Des preuves visuelles accablantes

Les images examinées par Human Rights Watch documentent l’horreur avec une précision glaçante : au moins 58 victimes y apparaissent, certaines déjà mortes, d’autres agonisantes ou gravement blessées, ligotées et soumises à des traitements dégradants. Les agresseurs, arborant des insignes permettant de les identifier clairement comme membres des VDP, se filment en train d’humilier leurs victimes, les accusant explicitement de collusion avec les groupes djihadistes qui sévissent dans la région.

« Ces images macabres ne font que confirmer le profond déficit de responsabilité qui caractérise l’action de ces forces supplétives« , a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse principale sur le Sahel à Human Rights Watch. « L’impunité dont jouissent ces milices encourage la répétition de tels crimes. »

Une violence ciblant spécifiquement les Peuls

Ce massacre semble s’inscrire dans une stratégie délibérée de représailles contre la communauté peule, régulièrement stigmatisée par les autorités et accusée collectivement de sympathie envers les groupes armés islamistes. Selon plusieurs témoignages recueillis par HRW, les assaillants ont explicitement mentionné l’appartenance ethnique des victimes comme motif de leur action.

« Être Peul aujourd’hui au Burkina Faso est devenu synonyme de terroriste« , confie un homme ayant fui la région de Solenzo après les tueries. « Nous sommes pris entre deux feux : d’un côté les groupes armés qui nous forcent à collaborer sous peine de mort, de l’autre les forces gouvernementales et leurs milices qui nous considèrent tous comme complices. »

Un contexte d’insécurité généralisée

Depuis près d’une décennie, le Burkina Faso est piégé dans une spirale de violence impliquant plusieurs groupes armés islamistes, notamment le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), affilié à Al-Qaïda, et l’État islamique au Grand Sahara. Face à cette menace, le gouvernement burkinabè, dirigé depuis 2022 par le capitaine Ibrahim Traoré après deux coups d’État successifs, a largement recouru à des forces paramilitaires comme les VDP.

Ces milices, composées principalement de volontaires civils sommairement formés, disposent d’une large autonomie opérationnelle mais d’un encadrement limité, ce qui favorise les débordements et les exactions. Selon les Nations unies, plus de 4 000 personnes ont été tuées dans des violences liées au conflit en 2024, et près de deux millions de Burkinabè ont été déplacés à l’intérieur du pays.

Appels à l’action et à la justice

Face à cette escalade meurtrière, Human Rights Watch appelle les autorités burkinabè à prendre des mesures immédiates : « Le gouvernement doit lancer sans délai une enquête indépendante et impartiale sur ces atrocités, et traduire en justice tous les responsables, quel que soit leur rang ou leur affiliation« , insiste Ilaria Allegrozzi.

L’organisation souligne également la nécessité d’une réforme profonde du système de recrutement, de formation et de supervision des VDP, afin de prévenir de futures violations des droits humains et du droit international humanitaire.

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