19 septembre 2002 – 19 septembre 2003. Un an déjà que la Côte d’Ivoire connaissait, dans la nuit du 18 au 19 septembre, le second putsch militaire de son histoire.
19 septembre 2002 – 19 septembre 2003. Un an déjà que la Côte d’Ivoire connaissait, dans la nuit du 18 au 19 septembre, le second putsch militaire de son histoire. Pourquoi commémorer le premier anniversaire de cette tentative de putsch ? Car c’est bien d’une commémoration qu’il s’agit. Entre les programmes spéciaux de la télévision ivoirienne, les manchettes et les dossiers spéciaux des quotidiens ivoiriens, la minute de silence que le pays a observé à 12h en mémoire de toutes les victimes de ce coup de force avorté, la Lettre ouverte au Président, Laurent Gbagbo, publiée dans le quotidien le Temps et les différentes veillées organisées ça et là. Les Ivoiriens ont eu ce vendredi un peu de vague à l’âme. Même le ciel d’Abidjan était gris. On les comprend après une année de couvre-feu, de tension sociale et politique. Une année où la misère n’a fait que s’accroître. En résumé : une année de « Gbangban » (terme en argot ivoirien pour exprimer tout bouleversement de l’ordre établi) !
Pourquoi donc commémorer celui-là plus que le précédent ? Peut-être tout simplement parce qu’il a plongé la Côte d’Ivoire dans un chaos indicible dont elle porte encore les stigmates. Et ce en dépit d’une certaine accalmie. Et de la mise en place d’un gouvernement de réconciliation désormais au complet avec la désignation des ministres de la Défense et de l’Intérieur. Pourtant l’affaire IB (Ibrahim Coulibaly) interpelle. Comme pour rappeler que la coupe n’a pas été bue jusqu’à la lie. En tous cas, les journaux ivoiriens n’y sont pas allés de main morte et traduisent bien le sentiment des Ivoiriens. Fraternité Matin, quotidien pro-gouvernemental, déjà en rupture de stock ce matin parce que pris d’assaut, a titré « L’Année noire ». A la Une de La Voie, publication proche du Front Populaire Ivoirien (FPI), le parti au pouvoir, on pouvait lire « L’Apocalypse ». Alors que Le Patriote, proche du Rassemblement des Républicains (RDR) titrait « Un an de chaos » dans un hors série consacré au putsch et à ses conséquences.
Bien qu’officiellement infructueux (puisque le Président n’a pas été renversé), ce coup d’Etat a entériné le clivage Nord/Sud. Zone libre et zone assiégée sont devenues des mots incontournables de notre vocabulaire. Plus qu’une division géographique, ce putsch a entamé, voire même détruit la cohésion nationale. La reconstruire, c’est bien là le défi majeur de la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui. Une Côte d’Ivoire qui sombre dans une crise économique dont les dégâts auraient été amortis par le Cacao et les régies financières, comme la douane. Une chance que n’a pas la population ivoirienne et plus particulièrement les plus démunis.
Pour ma part, je n’oublierai jamais ce jeudi matin où j’ai senti pour la première fois l’odeur que laissent derrière elles les armes. Comme si j’étais sur un champ de bataille. Ce champ de bataille qu’est demeuré, en partie, la Côte d’Ivoire. Je n’oublierai pas non plus tous les récits de ces personnes qui étaient à Bouaké ou dans le nord du pays, pris au piège par les événements et qui ont regagné Abidjan à pied. Je n’oublierai pas non plus tous ses mois de couvre-feu ou parfois nous rentrions à 16 H. Je n’oublierai pas non plus, le plus important, toutes les atrocités perpétrées et toutes ces victimes innocentes de la Guerre, dont l’artiste Marcelin Yacé. Je voyais, à la télévision, une Côte d’Ivoire qui ressemblait à tous ces pays africains en guerre. Un spectacle que je n’avais jamais imaginé. Bien que dérisoire, je n’oublierai pas non plus, les rapports télévisuels de Yao Yao Jules, l’ex Porte-parole des Forces Armées de Côte d’Ivoire (FANCI), devenu le chéri de ses dames.
Au total, que dire de cette année si ce n’est « Tout ça pour ça ! ». Douze mois de galère, de gâchis dans lequel les politiques nous ont entraînés encore une fois. Un sentiment que vient illustrer la dernière publication du journal satyrique Gbich de ce vendredi. « Les militaires : la guerre est finie, les politiciens ; Quoi ?! Qui a dit ça ? », peut on lire à la une du numéro. Malheureusement ce ne sont pas eux qui nous sortirons de la crise. Chaque Ivoirien devra faire son deuil et ce jour anniversaire n’est qu’un début. Chacun devra aussi oublier toutes ses rancoeurs, et c’est bien là le plus difficile ! Mais qu’est ce qui est le plus important ? Si ce n’est que la Côte d’Ivoire redevienne ce « Havre de paix » si cher à Felix Houphouët Boigny, où musulmans, chrétiens, autochtones et étrangers vivions si bien ensemble ? Cela vaut bien quelques sacrifices. « Impossible n’est pas ivoirien », dit l’adage. Alors nous osons espérer qu’avec l’aide de Dieu, la paix et la prospérité reviendront en Terre d’Eburnie.