Il leur a saupoudré le visage à ces Sénégalais qui l’attendaient sur bien des fronts. Notamment la santé, l’agriculture, l’élevage, la baisse des denrées de première nécessité. Un an après son accession au pouvoir, le président sénégalais, Macky Sall, n’a toujours pas tenu ses promesses de sortir le peuple sénégalais des abysses où il a été entraîné par la dynastie des Wade.
(De notre correspondant, à Dakar)
Au soir du 25 mars 2012, tout rêve était permis. Les Sénégalais pensaient voir sous peu le bout du tunnel après qu’ils avaient fait des pieds et des mains pour barrer la route aux Wade. Douze mois après, rien. Le néant. Retour sur 12 longs mois de règne du leader du parti APR (Alliance pour la République).
Biens mal acquis : la traque sans fin
La traque des biens mal acquis, c’est le quotidien des Sénégalais depuis 11 mois. Il ne se passe pas un jour sans cette question ne fasse la Une de l’actualité. Une chasse lancée par le pouvoir aux « pilleurs » de la nation sous l’ère Wade. C’est dans ce cadre que le fils de l’ancien Président Abdoulaye Wade, Karim, ancien ministre du Transport aérien, de la coopération internationale, des infrastructures, a effectué beaucoup de tours (au moins 6) à la section « recherches » de la Gendarmerie sénégalaise, dans le cadre de l’enquête sur la traque des biens mal acquis. D’autres personnalités de l’ancien régime, notamment Me Ousmane Ngom (ancien ministre de l’Intérieur) se sont vu notifier une interdiction de sortie du territoire national, au même titre que Karim Wade. Mais à ce jour, rien de concret sur cette affaire de traque de biens mal acquis. Car tous les chemins mènent à Abdoulaye Wade qui se la coule douce en France, sans être inquiété.
La ménagère pleure toujours son panier
Un an après l’accession de Macky Sall au pouvoir, la ménagère sénégalaise attend toujours de voir le but du tunnel avec l’effectivité de la baisse annoncée du prix des denrées de première nécessité. Les prix de l’huile, du sucre, du lait, du riz, de l’électricité, de l’eau, du carburant sont restés inchangés. «Inadmissible», selon Mamadou Bâ qui voit « une arnaque, voire un mensonge, dans cette affaire de baisse des prix des denrées de première nécessité. Comment pouvez-vous concevoir que depuis un an qu’il est au pouvoir, Macky Sall n’a baissé le prix d’aucune denrée. Et c’est cela qu’il appelle la voie de la croissance. Du n’importe quoi. S’il continue, je ne pense pas qu’il fasse un second mandat, car il n’a plus la confiance des Sénégalais », lance ce chauffeur de taxi. A noter que sous le régime de Wade, le litre de gasoil coûtait 798 FCFA (1,21 euro). Depuis près de 10 mois, il est resté bloqué à 792 FCFA (1,20 euro). Dans le même temps, le Mali qui s’approvisionne en hydrocarbures au Sénégal le vend dans son pays à 610 FCFA (0,93 euro), après transport, taxes et autres frais.
Gel du processus de paix en Casamance
Alors qu’il avait promis de vite régler le conflit de la Casamance qui date de 30 années, Macky Sall semble perdu dans le maquis. C’est du moins ce que fait constater la sortie du leader du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance, Nkrumah Sané. « Macky Sall doit respecter ses engagements s’il veut régler le conflit en Casamance », note Mamadou Nkrumah Sané. Selon le Secrétaire général du mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC), Macky Sall a échoué avant même de commencer. Un échec qu’il lie au non-respect d’un engagement qui aurait pu faire avancer le processus de paix. Selon Mamadou Nkrumah Sané, Macky Sall s’était engagé publiquement à décréter un cessez-le-feu sur le terrain en Casamance si toutefois il devenait président de la République du Sénégal. Un an après son accession à la magistrature suprême, « cet engagement qui devait être un sacerdoce a été foulé au pied », se désole le Secrétaire général du MFDC.
Silence, on agresse au Sénégal
Attendu notamment sur la question de la sécurité des personnes et des biens, la mayonnaise de Macky Sall tarde à prendre. C’est devenu monnaie courante au Sénégal, surtout à Dakar, la capitale. Déjà en août dernier, les agressions avaient fait un mort dans la capitale sénégalaise. Outre ce cas mortel, les agressions foisonnent. Les populations sénégalaises vivent avec la peur dans le ventre. Le défaut d’électrification des rues de Dakar aide les malfrats à commettre leurs forfaits. Pourtant à Dakar, c’est même en plein jour que l’on se fait agresser. Soit en partant au travail le matin, soit en début de soirée lors de sa séance de jogging, soit chez soi, alors qu’on regarde tranquillement la télé en famille. Le nouveau ministre de l’Intérieur nommé par Macky Sall, Pathé Seck, n’arrive toujours pas à sécuriser Dakar et ses habitants. Il y a moins d‘un mois, le Gouvernement a décidé de créer une sécurité (civile) de proximité, avec le recrutement des jeunes des quartiers qui devront veiller sur leurs concitoyens. Projet toujours en attente d’exécution.
Vers une implosion de la coalition Benno Bokk Yakaar
Déjà ce lundi 25 mars, Idrissa Seck, ancien Premier ministre du Sénégal, qui a soutenu Macky Sall au second tour de l’élection Présidentielle de mars 2012, a sévèrement critiqué la gouvernance du nouveau régime. «Un bon ministre des Finances doit savoir comment trouver des fonds et vite les dépenser pour gérer les affaires du pays. Mais un banquier (NDLR : Abdoul Mbaye Premier ministre) a pour vocation de thésauriser de l’argent». De grosses pierres jetées dans le jardin de Macky Sall qui aurait fait de mauvais choix dans la désignation de ses hommes de confiance. Ce qui présage des affrontements sans merci d’ici à 2014 entre le parti d’Idrissa Seck (REWMI) et l’APR (Alliance pour la République) de Macky Sall.
Élections municipales : à l’heure du divorce
Macky Sall avait sollicité l’aide de l’opposition de l’époque pour combattre Wade au second tour de l’élection présidentielle de 2012. Il avait eu gain de cause. D’ailleurs, avec les autres chefs de partis politiques, il tente de diriger le pays en coalition. Sauf que pour les élections municipales de 2014, Macky Sall va devoir cheminer seul avec son propre parti qui, faut-il le dire, manque d’expérience (l’APR a environ 4 années d’existence). Il faudra plus que les paroles de son conseiller Mbaye Ndiaye pour faire déguerpir l’actuel Maire de Dakar, Khalifa Sall. Déjà, des scissions apparaissent au sein de sa coalition. Si les caciques des autres partis politiques, notamment Tanor Dieng (Parti socialiste), Amath Dansoko (Parti de l’Indépendance et du Travail), Moustapha Niasse (Alliance des forces du Progrès) entre autres, restent discrets et préfèrent gouverner en coalition auprès de Macky Sall, les jeunes loups de leurs partis respectifs ne l’entendent pas de cette oreille. Ils comptent sortir de l’ornière. Et ils sont déjà convaincus que cela passe forcément par une séparation d’avec l’APR.
2014, année de la dernière chance
Il est clair qu’à ce stade de la magistrature de Macky Sall, les Sénégalais commencent à s’impatienter. C’est le cas de Mariama Sarr qui «n’arrive toujours pas à comprendre que l’Etat demande aux Sénégalais de patienter pour voir venir les réformes! Dans le même temps, les membres du Gouvernement se la coulent douce. Ils ont eu le temps de voter des lois octroyant à chaque conjoint (e) de député un passeport diplomatique. Ils ont eu le temps de commander un véhicule pour chaque député et chaque ministre. Ils se remplissent les poches et le ventre. Pourtant ils demandent au peuple de patienter. Jusqu’à quand ? En tout cas si en 2014 nous ne voyons aucun changement, on va descendre dans la rue. Je pense que Macky Sall en est conscient», note Mariama qui est convaincue que Macky Sall n’aura pas les mêmes années de grâce que les Sénégalais avaient accordées à son prédécesseur Abdoulaye Wade.