Umaé est une jeune société de décoration intérieure et d’ameublement qui respecte les règles du commerce équitable. Elle fait se rencontrer designers occidentaux et artisans africains et indonésiens. Résultat : une gamme de produits, du porte-couteau à la table basse, aux lignes résolument contemporaines mais à la fabrication traditionnelle. Une réussite qui s’expose jusqu’au 3 septembre aux Galeries Lafayette Maison, à Paris.
Lorsqu’on entre aux Galeries Lafayette Maison, le grand magasin parisien, impossible de rater le stand d’Umaé. Le « corner » de 30 m2 est bien placé et attire l’œil. Avec en vedette, l’un des produits-phare de la marque : le tabouret Papabanki. Designé par le Français Joël Biet, il est entièrement travaillé à la main par des sculpteurs de Bamenda, au cœur de la forêt camerounaise, selon une technique particulière. Une seule bille de bois, de l’ayous vert, est utilisée, il n’y a pas d’assemblage. Et pour lui donner sa couleur brune, le bois est séché artisanalement et teinté à l’extrait de racine de cassel.
Avec cet objet, aussi beau qu’utile, fabriqué et vendu selon les règles du commerce équitable, le ton d’Umaé est donné. « Notre credo : des matériaux naturels, des formes contemporaines, une fabrication à la main », résume Christian Dagher, 30 ans. Ce diplômé d’école de commerce est co-fondateur et Directeur Général d’Umaé. Membre de l’association Ethnik.org, créée en 1999, Christian a vécu plusieurs années au Cameroun, où il dirigeait un centre de formation en gestion d’entreprise à Yaoundé. « C’est là que j’ai réalisé les problèmes auxquels devaient faire face les artisans. Je leur apprenais à gérer une caisse, faire une comptabilité, je leur parlais de force de vente mais à quoi bon sans débouchés pour leur production ? Pour aller plus loin que le site de vente d’objets en ligne d’Ethnik.org, j’ai décidé de fonder Umaé, avec d’autres membres de l’association. La société a été officiellement lancée en septembre 2004 et nous a permis d’aller jusqu’au bout de notre logique économique. »
Iroko, acajou, wengé, cannelle et clou de girofle…
La présence d’Umaé aux Galeries Lafayette est une première pour la jeune entreprise. Et c’est une réussite. « Nous avons mis un an à convaincre les responsables du magasin que nos produits issus du commerce équitable pouvaient leur faire gagner de l’argent. Aujourd’hui, nous faisons le meilleur chiffre d’affaires de l’étage ! » se réjouit Christian. Ainsi, les bougies en acajou teinté de Bali s’arrachent et les badauds se laissent charmer par les lignes épurées et les coloris raffinés des autres produits. Exemple : les couverts en corne de zébu de Madagascar, les miroirs en iroko massif ou en métal patiné du Cameroun, les coupes Fang, aux formes résolument contemporaines mais inspirées des masques de cette ethnie. Et encore d’étonnants chemins de table en coton et sisal, incrustés de fins bâtons de cannelle ou de clous de girofle…
Les prix vont de 1 euro pour un porte-couteau de la ligne Paris-Yaoundé, un alliage très chic et graphique de landa et de wengé, jusqu’à 1 100 euros pour une majestueuse table basse en acajou. Umaé fait travailler directement une centaine de personnes au Cameroun, 200 à Madagascar et plus de 300 en Indonésie. Au Bénin, en partenariat avec un studio de tendance basé à Paris, elle a fait évoluer la technique traditionnelle de l’indigo, qui se retrouve aujourd’hui sur des nappes, des serviettes ou des housses de coussins. « L’indigo était en perte de vitesse, au Bénin même. Une fois qu’il a été remis au goût du jour en Occident, les Béninois se sont réapproprié la mode… »
Logique de métissage
Le but d’Umaé est de « créer des rencontres entre artisans et designers ». « Les designers occidentaux apportent leur vision du Nord, et les artisans, leurs savoirs-faire ancestraux. Nous sommes dans une logique de métissage et d’échanges d’idées pour inventer des produits nouveaux qui s’intègrent à nos intérieurs », indique Christian. Umaé s’engage dans le développement durable en veillant à ce que l’utilisation des matériaux ne nuise pas à l’environnement. La société respecte aussi les principes du commerce équitable. « Le commerce équitable, c’est le paiement au juste prix. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de négociations de prix avec l’artisan ! On calcule un prix de revient pour le producteur au-dessous duquel on ne négocie pas et, sur ce prix de revient, on permet à l’artisan de dégager une marge. Nous suivons ensuite le schéma classique de l’importation et c’est finalement le distributeur qui fait le plus de marge sur nos produits ! »
Christian explique qu’il faut être présent « là où vont les clients, donc dans les grands magasins ». « Nous ne misons pas sur un réseau confidentiel et militant. Comme notre argument premier est le produit, les gens achètent à la fois parce que c’est du commerce équitable et parce qu’ils trouvent nos objets beaux. Nous ne sommes pas dans une démarche uniquement humanitaire mais dans une logique économique. D’ailleurs, 70% des boutiques qui distribuent nos produits sont des boutiques normales. Seules 30% sont des boutiques de commerce équitable. » Aujourd’hui, les objets et le mobilier d’Umaé sont vendus dans 35 boutiques à Paris, en province et à l’étranger (Londres, New-York, Genève…).
Un show-room à l’automne
Mais la société espère bientôt les distribuer elle-même, par le biais d’un show room à Paris qui devrait ouvrir à l’automne. Il permettrait de réduire les intermédiaires et les marges des distributeurs et donc de vendre à des prix plus accessibles. Un site de vente en ligne est également en plein développement. Lorsqu’elle fera des bénéfices, ce qui n’est pas encore le cas, Umaé en reversera 10% à Ethnic.org, qui va se focaliser sur des actions de développement au Sud et non plus sur la vente en ligne.
Les prochains rendez-vous d’Umaé : une participation, pour la troisième année consécutive, au Salon Maison et Objet (Paris-Nord Villepinte), du 2 au 6 septembre. « Ce salon est le métronome du marché et les petites boutiques viennent s’y approvisionner », explique Christian Dagher. Pour l’occasion, Umaé s’est associée avec six autres marques d’artisanat équitable pour proposer aux visiteurs un « parcours équitable » et leur faire découvrir des produits d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique du Sud. Ensuite, Umaé participera au premier Salon International pour un Commerce Equitable, qui se tiendra du 1er au 4 octobre à l’Ile Saint-Denis, en région parisienne.
Corner Umaé, 17 août-3 septembre, aux Galeries Lafayette Maison, 35 boulevard Haussmann 75009 Paris.