L’Afrique, si éloignée soit-elle du conflit russo-ukrainien, est en première ligne de la pénurie alimentaire qui en découle. Pour tenter de mettre fin à la guerre, une délégation africaine s’est rendue à Kiev et à Moscou vendredi 16 et samedi 17 juin. Il s’agissait tout à la fois, pour ses membres, de porter un message de paix et de sensibiliser les belligérants aux répercussions du conflit sur leur continent.
Denis Sassou N’Guesso : « Nous subissons tous les effets de cette guerre »
Alors que l’initiative de la mer Noire, l’accord international sur l’exportation des céréales ukrainiennes dont dépendent de nombreux pays africains expire en juillet, rien n’indique, pour l’heure, que le Président russe Vladimir Poutine autorisera sa reconduction. Face à cette incertitude qui fait peser un risque de famine sur le continent, plusieurs dirigeants africains se sont mobilisés. Sous l’impulsion de la fondation Brazzaville, une ONG spécialisée dans la résolution de conflits, la protection de l’environnement et la santé, sept pays – Afrique du Sud, Sénégal, Ouganda, Zambie, Égypte, République du Congo et Comores – ont choisi d’unir leurs voix pour porter leur message jusqu’en Russie.
Le 12 juin dernier, lors d’une visite officielle visant à renforcer les liens de coopération entre le Congo-Brazzaville et la Côte d’Ivoire, le Président congolais Denis Sassou N’Guesso a profité de sa présence sous les projecteurs pour rappeler la gravité de la situation, et l’importance de cette médiation organisée par la fondation Brazzaville. « Nous subissons tous les effets de cette guerre directement. L’inflation grandit partout, et nous pensons que face à un tel drame, l’Afrique ne peut pas rester silencieuse ou indifférente », avait déclaré monsieur Sassou N’Guesso lors d’un point presse à l’issue de sa rencontre avec le Président ivoirien, Alassane Ouattara.
Impartialité de la mission
Le Président congolais avait également assuré de la « volonté d’une grande partie du continent africain d’œuvrer pour tenter de trouver une solution pacifiste au conflit », en atteste la composition de la délégation, composée de pays situés aux quatre coins de l’Afrique. La mission se voulait également relativement impartiale, avec des pays plutôt pro-russes, comme l’Afrique du Sud, plutôt alignés sur l’Ukraine, comme la Zambie, et plutôt neutres, comme la République du Congo.
Malheureusement la délégation, dont la mission n’était pas gagnée d’avance, a souffert de désistements de dernière minute. Le dirigeant du pays le plus puissant du groupe, l’Égyptien Abdel Fattah al-Sissi, a décidé de se faire remplacer par son Premier ministre, de même que le Président ougandais Yoweri Museveni, testé positif au covid. Le Président congolais Denis Sassou N’Guesso, a lui-aussi décidé de renoncer au voyage, arguant qu’en raison de l’intensification des violences « les conditions pour des discussions pacifiques et constructives (n’étaient) plus réunies ». Et au vu du résultat mitigé de la mission, peut-être aurait-il dû être davantage écouté, et cette dernière reportée.
Conclusions en demi-teinte
Saluée par l’ONU et même l’Otan, cette médiation, qualifiée d’historique par le Président sud-africain Cyril Ramaphosa, n’a toutefois pas entrainé les résultats escomptés. Symboliquement, sa portée n’en est pas moins considérable, puisqu’il s’agissait de « la première fois que des dirigeants africains se sont lancés dans une mission de paix au-delà du continent », rappelle le Président sud-africain. C’est là une preuve supplémentaire de l’importance croissante qu’exerce la diplomatie africaine dans le concert des nations.
L’Afrique, berceau de l’humanité, ne veut plus être la cinquième roue du carrosse. Elle compte peser sur la scène internationale, et à ce titre, a de nouvelles revendications. La première d’entre elles est d’arriver à une réforme du conseil de sécurité de l’ONU, pour y être mieux représentée, grâce notamment à deux membres permanents et cinq membres non-permanents. A cette fin, l’Union Africaine organise régulièrement des réunions vouées à la réforme du conseil de sécurité des Nations Unies, dont la dernière s’est tenue le 11 janvier 2023 à Brazzaville.