Yosra Messai, jeune tunisienne de 32 ans, inscrite sur une liste indépendante en France, a présenté sa candidature aux élections de l’Assemblée Constituante qui se tiendront le 23 octobre en Tunisie. Enseignante à la faculté de Tunis et chercheuse en cancérologie à Paris, la jeune femme navigue entre les deux capitales depuis plusieurs années. Elle a ainsi pu vivre sur place la révolution qui a conduit à la chute du régime de Ben Ali. Entretien.
Afrik.com : Qu’est-ce qui vous a poussé à présenter votre candidature aux élections ?
Yosra Messai : Dans la liste à laquelle j’appartiens, Sawt Mostakel, qui signifie la voie indépendante, nous nous sommes lancés dans la course tardivement. On s’est décidé lorsqu’on a constaté qu’aucun des programmes que proposaient les différents partis politiques ne répondaient à nos attentes. Ils ne se concentraient pas assez sur le projet de Constitution et ne prenaient pas en compte les priorités du pays. Il y a une urgence à établir une Constitution. Nous pensons que les jeunes ont aussi leur mot à dire pour reconstruire la nouvelle Tunisie. Nous sommes cinq dans la liste Sawt Mostakel et espérons réunir assez de votes pour briguer des sièges à l’Assemblée constituante.
Afrik.com : Vous êtes tous très jeunes dans cette liste et sans expérience politique. Qu’est ce que vous pouvez apporter de plus à cette Assemblée Constituante ?
Yosra Messai : Notre véritable avantage c’est notre indépendance. Nous vivons un moment historique. Nous avons des idées et un programme intéressant. Nous étions tous des militants issus de différentes catégories professionnelles. Nous n’avions pas une véritable organisation. Je tiens d’ailleurs à préciser que même si je vis en France, je suis en contact avec la Tunisie de façon permanente. Je navigue régulièrement entre les deux pays. Je connais les problèmes que rencontre la Tunisie, puisque moi-même j’ai vécu la révolution.
Afrik.com : Quel est votre programme ?
Yosra Messai : Nous voulons mettre le citoyen au cœur de la Constitution. Tout doit tourner autour du citoyen. Nous avons axé notre projet sur les droits de l’homme, la parité, l’égalité, la séparation des pouvoirs, la distribution des richesses dans les différentes régions et bien d’autres points. Nous voulons mettre en place des mécanismes de contrôle du pouvoir pour éviter les dérives et je pense que c’est un point qui fait notre originalité. Nous voulons également instaurer un régime mixte présidentiel et parlementaire, où le président serait élu au suffrage universel. Dans ce régime, le parlement aura davantage de pouvoir, dont celui de destituer le chef d’Etat, si celui-ci mène une politique contraire à la Constitution. L’éducation et la santé font aussi parties de nos priorités. Nous voulons que ces secteurs soient accessibles à tous, notamment ceux qui vivent dans les régions rurales, où ces services sont de moindres qualités.
Afrik.com : La jeunesse tunisienne vit dans une grande précarité. Quels sont les solutions que vous apportez pour améliorer leurs conditions de vie ?
Yosra Messai : Il faut d’abord lutter férocement contre le chômage qui mine les jeunes. Il faut également faciliter l’accès à la culture du nord au sud, c’est très important. Il faut que les jeunes se rencontrent pour discuter ensemble et échanger leurs idées. Ils doivent se rassembler autour de leurs valeurs. L’ancien régime avait bloqué l’élan de la jeunesse mais désormais elle peut à nouveau le retrouver.
Afrik.com : Comment menez-vous votre campagne en France ?
Yosra Messai : Nous rencontrons des électeurs tunisiens vivants ici à travers des meetings. Samedi dernier, nous avons organisé une rencontre dans un café parisien. Nous leurs expliquons comment vont se dérouler les élections, car beaucoup s’y intéressent mais ne savent pas comment elles se dérouleront. Ceux qui vivent ici doivent se rendre dans les consulats pour voter. On a senti un véritable engouement pour ces élections à travers les gens que nous avons rencontré.
Afrik.com : Y a-t-il une volonté des autorités tunisiennes de tourner définitivement la page avec le régime Ben Ali ou la continuité existe toujours ?
Yosra Messai : La continuité existe encore. Il y a une force réactionnaire. Je pense qu’il faut rester vigilant. Je préconise la vigilance car nous ne devons jamais dormir sur nos lauriers. Jamais ! Nous devons travailler dur pour préserver notre révolution. C’est la notre et personne ne nous la volera !