Le gouvernorat de Tataouine et la zone frontalière de Ben Guerdane, dans le sud de la Tunisie, sont depuis plus d’une semaine touchés par de violentes manifestations. Explications.
Que se passe-t-il dans le gouvernorat de Tataouine et dans la zone frontalière de Ben Guerdane ? La presse n’en parle que peu ou prou. Pourtant, ces régions du sud de la Tunisie sont depuis plusieurs jours secouées par d’importantes manifestations qui ont déjà viré à l’émeute. Les scènes de saccages et d’affrontements ont ainsi parfois lieu entre protestataires et forces de l’ordre.
Les habitants de Tataouine souhaitent que le projet du « Gaz du Sud » soit entièrement réalisé à l’intérieur de leur gouvernorat. Ils trouvent absurdes que la production et le transport du gaz se fassent à Tataouine, mais que le traitement d’usine qui offre le plus d’emplois se fasse à Gabès.
« Sit-in du Destin »
Nous sommes le 10 mars, l’Union des Diplômés Chômeurs (UDC), l’Association des Activités Pétrolières (AAP) et l’Organisation des jeunes pour le développement et l’emploi à Tataouine (OJDET) organisent un sit-in – « Sit-in du Destin » – devant le siège du gouvernorat. Ils réclament le droit au développement dans leur région. Ce sit-in a été organisé à la suite de discussions infructueuses avec le gouvernement de Mehdi Jomâa. La société civile obtient un rendez-vous avec le Premier ministre le 25 février à la Kasbah. Les représentants du gouvernorat ont insisté sur l’importance de développer le projet « Gaz du Sud » à Tataouine. Lors d’un compte-rendu datant du 3 mars 2014, le Secrétaire général du bureau régional du syndicat UGTT, Kamel Abdellatif, explique devant les habitants de Tataouine que, selon Mehdi Jomâa, le projet ne pourra pas créer autant d’emplois espérés par les habitants de la région. Le chef du gouvernement leur promet en revanche une zone industrielle de 143 hectares.
Excédées par les nombreuses promesses faites par les gouvernements précédents, les délégations régionales de l’UGTT, l’UTICA et l’UTAP ont demandé des preuves écrites des engagements du gouvernement Jomâa en faveur des habitants de Tataouine. Mais aucun document ne leur a été envoyé. Seule issue pour les obtenir : le « Sit-in du Destin ».
Les habitants de Ben Guerdane, eux, reprochent les fermetures sporadiques du poste frontalier qui à chaque fois qu’elles ont lieu paralysent l’économie de la région. La dernière fermeture des frontières, à l’initiative des autorités libyennes, a duré plus d’une semaine, rappelle Nawaat.org. La crise provoquée à cause de cette fermeture a dégénérée en confrontation entre forces de l’ordre et habitants de Ben Guerdane.
L’OJDET fustige la désinformation
Le Secrétaire général de l’OJDET, Lotfi Rhouma, s’est dit indigné face à la désinformation et au silence médiatique. Hormis Tunisie Numérique ou Nawaat.org, la presse nationale, publique ou privée, n’a en effet publié aucun article sur la situation à Ben Guerdane, ni même sur le sit-in de Tataouine. Les seules vidéos visibles sur le Web montrent des affrontements entre policiers et manifestants. Du côté du gouvernement, le silence est là aussi de marbre.
Lotfi Rhouma affirme que le « sit-in du Destin » vise à obliger le gouvernement à adopter un vrai plan de développement incluant le projet du « Gaz du Sud » et des projets industriels et agricoles.
Quant Tunisie Numérique imagine le pire
Dans un article datant du 18 mars, Tunisie Numérique a imaginé pour Tataouine et Ben Guerdane un scénario digne d’un pays en guerre. « Les réactions des « émeutiers » se font de plus en plus violentes, appelant à des ripostes policières de plus en plus virulentes, jusqu’à ce qu’il y ait mort d’homme. A ce moment-là, les forces de l’ordre seront dans l’obligation de battre en retraite et de laisser à l’abandon la population », écrit le journal en ligne. Il imagine que l’armée sera alors dans l’obligation d’intervenir, « abandonnant, à l’occasion, ses postes de garde sur les frontières. » Ou bien, si l’armée ne réagit pas, « ce sont les milices qui vont prendre possession des villes laissées en proie au chaos », estime le quotidien.
« Dans le cas du premier scénario, ce retrait de l’armée des postes avancés va permettre aux terroristes qui sont, très probablement, derrière tous ces troubles, de recevoir la logistique, en hommes et en matériel, qu’ils attendent d’au-delà des frontières », écrit Tunisie Numérique.
Ce scénario entre cependant en totale contradiction avec les déclarations d’un journaliste sur place qui affirme que les violences ne sont pas aussi importantes que veulent le faire croire certains. Quelles décisions prendra Mehdi Jomâa en faveur de ces populations du Sud à qui tous les précédents gouvernements ont promis monts et merveilles sans ne jamais le leur offrir ? A suivre…