Le parti islamiste Ennahda s’est plié à la volonté du président Mustapha Ben Jaafar de suspendre les travaux de l’Assemblée nationale constituante. Il s’est dit prêt pour la « formation d’un gouvernement d’union nationale ».
Au pied du mur, Ennahda pactise. Le parti islamiste a accepté la suspension des travaux de l’Assemblée nationale constituante (ANC), décidée mercredi par son président Mustapha Ben Jaafar. Cette décision avait suscité la colère des députés d’Ennahda, certains comme Néjib Mrad la jugeant de « coup d’Etat inacceptable ». Le leader du parti, Rached Ghannouchi, a fini par l’accepter : « En dépit de nos réserves formelles et juridiques sur cette initiative, nous espérons qu’elle servira de catalyseur pour que les adversaires politiques s’assoient à la table du dialogue. »
Ghannouchi souhaite une « solution consensuelle » et s’est dit favorable « à la formation d’un gouvernement d’union nationale comprenant toutes les forces politiques convaincues de la nécessité d’achever le processus démocratique dans le cadre de la loi ». Il souhaite également que l’adoption de la Constitution et de la loi électorale se fasse « avant la fin de septembre 2013 », ce qui conduirait à de nouvelles élections avant la fin de l’année.
La condition de Ben Jaafar
Le président de l’ANC accepte la reprise des travaux à condition qu’un dialogue entre la coalition au pouvoir, dominée par Ennahda, et l’opposition soit instauré. Les manifestants, à nouveau dans la rue depuis l’assassinat le 25 juillet de l’opposant Mohamed Brahmi, réclament quant à eux la démission pure et simple du gouvernement et la dissolution de l’ANC. Une revendication rejetée par les islamistes. Quant à la puissante centrale syndicale du pays, capable de paralyser tout le système, avec ses un demi-million de membres, s’oppose à la dissolution de l’Assemblée constituante. Conscient du pouvoir de persuasion de l’UGTT, le président de l’ANC a fait du syndicat un arbitre en l’appelant à « réunir autour de la table du dialogue tous les partis ». A la radio Express FM, le secrétaire générale de l’UGTT, Houcine Abassi, a précisé que son syndicat se réunirait « la semaine prochaine pour adopter les mesures nécessaires à l’intérêt du pays ».
Hier encore, des milliers de personnes sont sorties dans la rue pour réclamer la démission du gouvernement jugé responsable de l’essor du terrorisme en Tunisie et de l’assassinat de Belaïd, le 6 juillet, et Brahmi. Les organisateurs de la manifestation sont issus d’une coalition hétéroclite d’opposition, allant de l’extrême gauche au centre droit et soutenue par les partenaires sociaux.
Deux ans et demi après le soulèvement populaire, les Tunisiens attendent toujours la tenue de nouvelles élections. Faute de nouvelle Constitution et de loi électorale, celles-ci ne peuvent pas encore avoir lieu. La décision de Ben Jaafar de suspendre l’ANC a été jugée « positive » mais « insuffisante ». Les détracteurs du gouvernement entendent donc poursuivre leur protestation jusqu’à obtenir gain de cause.