Mohamed Abbou, avocat et défenseur des droits de l’homme tunisien, a bénéficié mardi d’une grâce présidentielle. Il a été libéré des geôles tunisiennes après deux ans et demi d’emprisonnement. Il était notamment accusé de « publication d’écrits de nature à troubler l’ordre public ».
L’avocat tunisien et défenseur des droits de l’homme Mohamed Abbou, 41 ans, a été libéré mardi après-midi en Tunisie à la faveur d’une grâce du président Zine el-Abidine Ben Ali. Sa libération inattendue est intervenue à quelques heures de la célébration en Tunisie du 50e anniversaire de la proclamation de la République, le 25 juillet 1957. Fondateur de l’Association internationale de soutien aux Prisonniers Politiques (AISPP), membre du Conseil National pour les Libertés en Tunisie (CNLT), membre dirigeant du parti politique le Congrès pour la République, entre autres, Mohamed Abbou est un défenseur acharné des droits de l’homme. L’avocat avait été brutalement arrêté sur la voie publique, selon ses avocats et sa famille, par des policiers en civil le 1er mars 2005, quelques mois avant le démarrage à Tunis de la deuxième phase du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI).
Emprisonné à la prison du Kef, située à plus de 100km au nord-ouest de la capitale Tunis, la justice l’avait condamné, le 29 avril 2005, à un an et six mois de prison pour « publication d’écrits de nature à troubler l’ordre public » et « diffamation des autorités judiciaires et diffusion de fausses nouvelles ». En cause, un article publié, en août 2004, sur le site Tunisnews où il comparaît les tortures infligées aux prisonniers politiques tunisiens aux exactions commises par les soldats américains dans la prison irakienne d’Abou Ghraib. Il avait été également condamné dans une seconde affaire à deux ans de prison pour « violences » à l’encontre d’une consoeur.
Mohamed Abbou rendu aux siens
Reporters sans frontières, qui a milité pour la libération de Me Abbou à l’instar d’un Comité international, avait alors estimé que sa première condamnation était plutôt liée à un autre article. Toujours sur Internet, il y critiquait, quelques jours avant son arrestation, « l’invitation faite à Ariel Sharon (l’ancien Premier ministre israélien, ndlr) à assister à un sommet de l’ONU organisé à Tunis et dénonçait, sur un ton ironique, la corruption de la famille du Président ». Se réjouissant de la libération de l’activiste, l’organisation a remercié Nicolas Sarkozy qui avait, les 10 et 11 juillet lors de sa visite en Tunisie, interpellé son homologue tunisien sur le cas Abbou. L’activiste s’était, lui, en octobre 2005 cousue la bouche avec des agrafes en signe de protestation contre le manque de liberté d’expression dans son pays.
« Nous sommes heureux de cette libération et nous espérons qu’elle ouvrira la voie à une décrispation du climat politique », a confié à l’AFP Mokhtar Trifi, président de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme (LTDH). De même, pour la journaliste Sihem Bensedrine du Conseil national des libertés (CNLT, mouvement interdit), la libération de Mohamed Abbou est « un grand bonheur et une belle victoire pour tous les défenseurs des droits de l’homme qui se sont mobilisés pour lui en Tunisie et à l’étranger ». Mohamed Abbou a ainsi retrouvé sa famille et surtout son épouse Samia. « J’ai peine à croire que mon mari a été libéré. Je n’ai jamais vécu une pareille joie», s’est exclamée celle qui avait pu difficilement accéder à son époux pendant ses années de détention.