Un détachement de policiers a bloqué, vendredi à Tunis, l’accès au local de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme (LTDH), pour empêcher la célébration de son trente-troisième anniversaire. Les responsables du mouvement dénoncent un « abus de pouvoir ». Ils tiennent ce mardi soir une réunion de crise.
Pas d’action en justice, parce « vu la situation, il n’y aura rien à en tirer », mais une réunion du comité directeur pour évaluer la situation et déterminer la démarche à suivre. Joint au téléphone ce mardi, le président de la LTDH, Me Mokhtar Trifi, se dit encore surpris par le « lourd dispositif policier » qui a assiégé vendredi, à Tunis, le local de son mouvement, pour interdire la célébration de son trente-troisième anniversaire. « En dehors des membres du comité directeur, aucun invité n’a pu accéder au local, et la célébration n’a de ce fait pas été possible » explique l’avocat et activiste des droits de l’homme.
De fait, Me Mokhtar Trifi reçoit vendredi matin, un coup de téléphone du directeur des libertés publiques au ministère tunisien de l’Intérieur. Son interlocuteur lui fait savoir, verbalement, que la cérémonie prévue dans la soirée est interdite. Motif invoqué, une décision de justice rendue huit ans plus tôt, frappant de nullité « toute activité du Comité à l’exception de celle relative à la préparation du congrès national », lit-on dans un communiqué publié vendredi par la LTDH. En 2000, la LTDH tient son cinquième congrès national, et met en place un comité directeur. Proches du pouvoir tunisien et n’ayant pas été élu, certains membres de l’association intentent une action en justice. Ils demandent l’annulation de l’élection du comité directeur du mouvement et un an plus tard, la justice accède à leur demande. Une décision qui, depuis, perturbe le fonctionnement de la LTDH. « La même décision enjoignait le comité élu a procédé à de nouvelles élections. Ce qui est contradictoire, vu qu’elle annulait leur élection », indique Me Mokhtar Trifi. En 2005 et 2006, il va d’ailleurs tenter d’organiser deux nouveaux congrès de la ligue que la justice va interdire.
Le ministère de l’Intérieur refuse de notifier son interdiction de manifester
« Pour passer outre cette situation d’incertitude et célébrer le trente-troisième anniversaire, nous avons entrepris de dialoguer avec les membres de la ligue qui avaient saisi la justice contre nous. Nous avons discuté avec eux jusque tard dans la soirée de jeudi. Nous les avons en outre invités à se joindre à nous pour la célébration », assure le président de la LTDH. Toutes choses qui le motivent à faire observer au responsable du ministère de l’Intérieur qui lui téléphone vendredi matin, que l’Etat qu’il représente n’est pas partie prenante au problème qui est en train d’être résolu de l’intérieur par la ligue. Il lui demande aussi de lui notifier par écrit l’interdiction de manifester. Mais c’est la police qu’on lui envoie. Pour la LTDH, il s’agit d’un abus de pouvoir. « Il s’avère, encore une fois, que le Ministère de l’intérieur viole allègrement la loi en s’interdisant d’informer la Ligue, par écrit, de sa décision arbitraire, la privant, de la sorte, de son droit de recours devant le Tribunal Administratif pour demander l’annulation d’une telle décision pour abus de pouvoir », indique le communiqué de la LTDH.
« Tout cela contraste fortement avec l’esprit positif avec lequel nous avons discuté avec les plaignants de l’année 2000. Nous n’avons pas compris pourquoi le ministère de l’Intérieur a interdit une manifestation à laquelle ceux-ci étaient invités », se plaint de son côté Me Mokhtar Trifi. L’avocat constate que cette affaire intervient au moment où il y a un « certain nombre de crispations au sujet des droits de l’homme en Tunisie ». Il rappelle les pressions sur la presse, le blocage de l’accès à certains sites internet, et « la campagne de dénigrement menée dans certains journaux de caniveau, à l’endroit des défenseurs des droits de l’homme ».
Dans son communiqué de vendredi, la LTDH, qui tient ce mardi soir une réunion de crise, « appelle de nouveau les autorités à mettre fin aux velléités d’immiscions dans les affaires de la ligue et à laisser agir librement en levant le blocus imposé aux locaux des sections régionales et le siège central à Tunis depuis septembre 2005 ».