Chaque année, la petite île de Djerba, située au sud de la Tunisie, accueille des Juifs du monde entier pour le pèlerinage de la Ghriba. Il s’agit de de l’un des plus anciens rituels juifs en Afrique du Nord. Cependant, cette année, les circonstances ont imposé une pause dans la célébration de cet événement ancestral.
Selon un communiqué des organisateurs publié le 19 avril, les festivités habituelles du pèlerinage ne se tiendront pas comme prévu cette année. Les rituels religieux seront exclusivement cantonnés à l’intérieur de la synagogue de la Ghriba, sans les habituelles processions extérieures ni la participation de pèlerins étrangers. Cette décision a été prise en raison du contexte actuel. En effet, le traumatisme de l’attaque de 2023 et les tensions liées au conflit israélo-palestinien ont engendré un climat d’incertitude et de tension en Tunisie.
C’est d’abord l’ombre de l’attentat du 9 mai 2023 qui plane sur la communauté. L’année précédente, en effet, un agent de la garde nationale avait ouvert le feu dans le parking de la synagogue juste après le passage de la procession qui marque traditionnellement le dernier jour du pèlerinage. Cet acte violent avait causé la mort de deux pèlerins et trois agents de police. Cela malgré l’intervention rapide des forces de sécurité. Ce tragique événement a laissé une empreinte profonde sur la communauté juive et la population tunisienne. Avec le climat tendu lié au conflit israélo-palestinien, la décision de restreindre les activités de cette année s’est rapidement imposé.
Le 11 avril 2002 déjà, un attentat attribué à Al-Qaïda avait visé la synagogue de la Ghriba, faisant plusieurs morts.
Contexte historique du Pèlerinage de la Ghriba
La Ghriba, qui selon la tradition remonterait à 2 500 ans, est un symbole fort de la persévérance de la communauté juive en Tunisie. Ce pèlerinage, qui se déroule durant la fête de Lag Ba’omer, est un moment de joie et de célébration qui renforce les liens entre les Juifs de divers horizons. Le pèlerinage de Djerba est organisé chaque année au 33e jour de la Pâque juive. Un évènement qui a été suspendu en 2011 pour cause de révolution arabe avant de reprendre en 2012. Il s’agit d’un moment sacré pour les juifs de Tunisie, près de 1500 personnes. Pour rappel : avant l’indépendance (en 1956), le pays comptait 100 000 juifs.
L’annulation des aspects les plus visibles et festifs du pèlerinage de la Ghriba cette année souligne les défis auxquels la communauté juive est confrontée en cette période de crise. Cela interpelle aussi sur l’importance de la cohésion sociale et de la solidarité. La décision de maintenir les prières à l’intérieur de la synagogue reflète cependant un engagement envers la tradition.
Dans l’attente de jours meilleurs, la communauté juive de Djerba et ses visiteurs espèrent pouvoir bientôt reprendre pleinement leur riche tradition de pèlerinage. Pour mémoire, la légende fait remonter l’origine de la Ghriba à la destruction à Jérusalem du temple de Salomon. Lorsque, fuyant la Palestine, des juifs se réfugièrent à Djerba et y établirent une synagogue en 586 avant JC.