La semaine a débuté dans la violence à Tunis, où des incidents ont eu lieu lundi en marge d’une nouvelle manifestation. Le gouvernement de transition, dont la rue réclame le départ des ministres du RCD, est de plus en plus menacé. Dans l’après-midi, le chef d’Etat major de l’armée de terre, le général Rachid Ammar, a appelé les manifestants au calme, à Tunis, et déclaré que «l’armée nationale se porte garante de la Révolution».
« Vos demandes sont légitimes. Mais j’aimerais que cette place se vide, pour que le gouvernement travaille, ce gouvernement ou un autre », a réclamé lundi après-midi, le très populaire chef d’état-major de l’armée de terre, le général Rachid Ammar, lors d’une intervention face à des centaines de manifestants qui faisaient le siège du gouvernement de transition dans le quartier de la Kasbah, siège du pouvoir politique à Tunis. A la foule qui réclamait la démission des anciens membres du RCD siégeant au gouvernement, il a promis que l’armée serait «garante de la Révolution» et qu’elle protégerait le peuple et le pays.
Dans la journée, la pression s’était encore accentuée sur le gouvernement de transition dirigé par Mohamed Ghannouchi. Lundi matin, des heurts se sont produits entre manifestants et policiers, alors que ces derniers tentaient d’exfiltrer des fonctionnaires du siège du gouvernement. Des manifestants ont lancé des pierres et des bouteilles sur les forces de l’ordre, qui ont répliqué en tirant des gaz lacrymogènes. Plusieurs manifestants ont cependant réussi à s’introduire dans l’enceinte du palais, dont des vitres ont été brisées. Des centaines de manifestants ont passé la nuit devant le Palais de la Kasbah, qui abrite les bureaux du Premier ministre, pour réclamer le départ du gouvernement d’union nationale formé il y a une semaine.
Des violences qui tranchent avec l’atmosphère plus paisible des derniers jours. Le calme est pour l’instant revenu mais ces brefs incidents illustrent la tension qui règne de nouveau à Tunis où des milliers de personnes manifestent toujours devant le palais du premier ministre.
Des manifestations dont les rangs ont été grossis dimanche par la « caravane de la Libération ». Partie samedi du centre-ouest du pays, d’où a débuté la « révolution », et arrivée dans la capitale tunisienne dimanche matin, elle donne un caractère plus rural à la mobilisation.
Les enseignants tunisiens ont quant à eux débuté lundi une « grève illimitée ». Un mouvement « suivi à 90-100% dans tout le pays », selon Nabil Haouachi, membre du syndicat national de l’enseignement primaire. Le gouvernement de transition avait décrété la reprise des cours pour lundi dans l’enseignement primaire et pour les élèves de terminales, dans le secondaire. Le ministre de l’enseignement supérieur, l’opposant Ahmed Ibrahim, a appelé les instituteurs à renoncer à ce qui s’apparente pour lui à une « grève irresponsable ».
«Ils ont volé nos richesses, ils ne voleront pas notre révolution»
Tous sont opposés à la présence d’anciens de l’ère Ben Ali au sein d’un gouvernement et dont la démission du Parti constitutionnel démocratique (RCD) n’a pas calmé la foule. Ces derniers détiennent plusieurs postes-clés, notamment l’Intérieur, la Défense, les Affaires étrangères et les Finances. Le ministre de la défense nationale, Ridha Grira est accusé d’avoir facilité la main-mise de la famille Trabelsi sur de nombreux terrains publics lorsqu’il était chargé des domaines de l’Etat. Le secrétaire d’Etat à la fiscalité, Moncef Bouden, est quant à lui décrit comme le maître des redressements fiscaux que les Ben Ali infligeaient aux entreprises dans leur collimateur. Enfin, on reproche à Moncer Rouissi, Ministre des affaires sociales, d’avoir été jusqu’au bout proche de l’ancien président.
Devant faire face à cette forte opposition populaire, les autorités tentent de se remettre au travail. Les présidents des trois commissions nationales chargées de la réforme politique et de l’examen des dépassements et des cas de corruption ont tenu, samedi à Tunis, une conférence de presse pour présenter les objectifs et les prérogatives des trois commissions nationales.
Les autorités ont par ailleurs annoncé dimanche l’arrestation et l’assignation à résidence de trois des plus proches collaborateurs de Ben Ali, le président du sénat et ancien ministre de l’Intérieur Abdallah Kallel, l’éminence grise du régime, Abdel Aziz Ben Dhia, et Abdel Wahab Abdallah, ministre conseiller à la présidence qui avait la haute main sur l’information. Quant au patron de la chaîne privée Hannibal, accusé d’avoir «tenté de faire avorter la révolution des jeunes», l’agence officielle tunisienne TAP a annoncé dimanche son arrestation pour avoir voulu favoriser le retour du président déchu Ben Ali. Il aurait néanmoins été libéré lundi, selon son fils Habib Nasra.
La semaine s’annonce cruciale pour un gouvernement qui joue déjà sa survie. Un gouvernement déjà orphelin de cinq ministres (affaires sociales, agriculture, transports, santé et développement) démissionnaires.