Les « Internautes de Zarzis » croupissent actuellement dans les prisons tunisiennes. Leur seul tort est peut-être d’avoir surfé sur le Net. Tragique destin pour les ressortissants d’un pays qui accueillera, en novembre prochain, le Sommet mondial sur la société de l’information.
Les internautes de Zarzis (sud de la Tunisie) sont aujourd’hui tristement célèbres, surtout à l’approche du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) en Tunisie. Un pays où les droits de l’Homme sont régulièrement bafoués. Hamza Mahroug (23 ans), Omar Chlendi (23 ans), Omar Rached (23 ans), Abdelghaffar Guiza (23 ans), Aymen Mecharek (23 ans), ayant la double nationalité allemande et tunisienne et Ridha Hadj Brahim (39 ans) ont été condamnés en appel, en décembre dernier à 13 ans de prison. Ils sont actuellement incarcérés à Tunis.
Pour son plus grand malheur, Ridha Hadj Brahim, professeur de son état, a été l’enseignant de deux des accusés de Zarzis. On l’accuse, entre autres, d’avoir abreuvé ses anciens élèves de mauvais conseils. Ayoub Sfaxi (22 ans), qui a obtenu le statut de réfugié politique en France et Tahar Gmir (21 ans), citoyen suédois et tunisien résidant en Suède, considéré comme le chef de la bande, ont écopé, eux d’une peine de prison de 26 ans prononcée par contumace. Abderrazak Bourguiba (20 ans), celui qui serait le cerveau tunisien du groupe, a été condamné, quant à lui, en appel à 24 mois de prison par un tribunal pour mineurs. Les neufs de Zarzis sont accusés d’avoir fomenté des attentats terroristes en utilisant le Net comme moyen de communication.
Torturés et détenus dans des conditions « lamentables »
Pour Térésa Chopin, mère d’Omar Chlendi, qui ne cesse d’alerter l’opinion publique sur le sort de ces détenus tunisiens, ce sont des boucs émissaires. « C’est arrivé au moment des attentats de Djerba et on a trouvé comme coupables les gamins d’à côté dont le seul crime en définitive a été de s’envoyer des mails et de se rencontrer sur Internet. Comme le disait Maître Abou, ce sont des procès fabriqués par les autorités tunisiennes pour faire l’exemple ». Les accusations proférées à l’encontre des jeunes de Zarzis sont sans fondement selon leurs avocats dont font partie Radhia Nasraoui ou encore Mohammed Abbou (actuellement emprisonné) puisqu’elles n’ont pu être corroborées par les preuves apportées lors du procès. Un dossier vide si ce n’est quelques documents téléchargés sur la toile et des aveux obtenus sous la torture. Car les Internautes de Zarzis ont été maltraités et continuent de l’être.
« Mon fils a été arrêté au domicile de son père à Zarzis (février 2003, comme la plupart de ses co-accusés, ndlr). Avec ses co-détenus, ils ont été mis au secret pendant 18 jours pendant lesquels, ils ont été torturés, explique Térésa chopin. Guiza a été attaché comme un poulet rôti et on l’a mis dans une baignoire d’eau froide. C’est certainement ainsi qu’il a attrapé la tuberculose. Il a obtenu un traitement pendant 6 mois qu’il n’a pas pu terminer parce qu’on le lui a retiré. Il est donc constamment en isolement parce qu’il est contagieux. Pendant le procès, il n’a pas arrêté de parler parce que disait-il, il n’avait plus rien à perdre puisque condamné par sa maladie. Ils sont détenus dans des conditions lamentables avec une absence totale d’hygiène. Mon fils a la galle depuis quelques mois. Tous ses ongles de pieds sont désincarnés, il suffirait d’un pansement auquel il n’aura bien évidemment pas droit puisqu’ils ne reçoivent aucun soin. Dans une lettre qui a écrite fin 2004, il réclamait un bidon pour centraliser l’eau. Il n’en n’ont pas assez à boire et a fortiori pour se laver. Et on ne leur distribue pas de savon ».
Le sommet qui changera peut-être les choses…
Pessimiste, le seul espoir de Térèsa Chopin est la grâce présidentielle. « Rien n’empêchera la Tunisie d’accueillir le SMSI, mais on ne condamne pas des innocents. Il faut que la loi tunisienne soit respectée, une loi qui n’a pas été appliquée pendant ce procès. Il faut tout simplement que les droits de l’Homme soient respectés. Ces enfants ont besoin d’une vraie justice. Il faut que le procès soit révisé et qu’on admette l’innocence des internautes de Zarzis », plaide la mère de Chlendi. Car autrement, la situation est pour elle sans issue. Son enfant a d’ailleurs tenté, en décembre dernier, de se suicider. Il ne supporte pas sa détention et son avenir lui semble définitivement compromis. Ce que confirme sa mère, « il faut voir la réalité des choses. Toute personne qui a fait de la prison en Tunisie est exclue du tissu social surtout des jeunes condamnés pour terrorisme. Ils n’ont plus droit à rien. A leur sortie, ils ne pourront même pas s’inscrire à l’université. Et effectivement dans ces conditions, autant mourir maintenant ».
Et Madame Chopin de conclure : « je veux seulement qu’on comprenne que je suis une maman et mon gamin compte sur moi ». Son combat, et celui de tous ceux qui soutiennent les internautes de Zarzis, devient crucial à l’approche du SMSI, car il a des allures de dernière chance pour ces jeunes dont la Tunisie a choisi, encore une fois, de faire des victimes mais, cette fois-ci, de la société de l’information. C’est là tout le paradoxe tunisien, d’autant plus que l’infratructure de ce pays en matière de nouvelles technologies est l’une des plus performantes en Afrique. Tout comme le flicage virtuel, certes, mais bien réel au quotidien. D’autres internautes, ceux d’Ariana et du Bardo ont été arrêtés depuis. A force, les internautes tunisiens sont des surdoués de la piraterie. Tous les moyens sont bons pour accéder aux sites bloqués et aux autoroutes de l’information.