Tunisie : La révolution de Bouazizi trahie


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Un amendement de l’article 48 de la constitution tunisienne, relatif à la liberté de travail et de l’initiative économique, a suscité une polémique et un vif débat entre les députés. Au terme d’un vote vendredi dernier, l’amendement a été refusé. Selon Emmanuel Martin, analyste pour www.libreafrique.org, le refus d’un tel amendement est une trahison pour la révolution de Bouazizi. Il montre dans cette contribution, qu’en refusant la liberté de travail et la liberté d’entreprendre, les députés tunisiens refusent le développement économique et in fine renient les attentes des citoyens émanant de la révolution du jasmin.

Alors que les députés de l’Assemblée nationale constituante de Tunisie rédigent peu à peu la nouvelle constitution tunisienne, une polémique a émergé jeudi dernier soir lors de l’élaboration de l’article 48 relatif aux droits et libertés. Un amendement, émanant de députés de tous horizons et énonçant que « L’État garantit la liberté du travail et la liberté de l’initiative économique » a suscité un vif débat au sein de l’Assemblée entre les « pro » et les « anti ». Après une suspension de séance, un vote a eu lieu vendredi matin, aboutissant au refus de l’amendement (seules 93 voix se prononcées pour, alors que 109 étaient nécessaires).

Pour Samia Abou cet amendement reviendrait à « imposer une orientation économique, celle du libéralisme sauvage ». Mourad Amdouni a averti : « Si vous faites passer cet article, ce serait la plus grande traîtrise faite au peuple tunisien et à la révolution ». Les poncifs éculés sont convoqués au tribunal soi-disant « populaire ».

En réalité, quand on se souvient la façon dont a été déclenchée la révolution tunisienne, de telles réactions ne manquent pas de surprendre : Mohamed Bouazizi petit entrepreneur ambulant vendant des fruits et des légumes, s’est immolé précisément pour réclamer sa liberté à l’initiative économique. Il s’était vu interdire d’exercer par les autorités et confisquer matériel et marchandises, le ruinant sur le champ. C’est précisément l’absence de liberté de l’initiative économique qui étouffait Bouazizi comme l’immense majorité des tunisiens.

La liberté d’entreprendre, qui est pourtant ancrée dans la tradition de ce peuple, serait considérée par certains réactionnaires comme une menace pour les secteurs dont l’État a le monopole. On perçoit ici comment les tunisiens vont se faire flouer : la Tunisie de Ben-Ali était caractérisée par un système de copinage et de clientélisme qui risque aujourd’hui de tout simplement changer de « patrons ».

La « liberté du travail » n’empêchera pas le droit de grève, comme le redoutent certains, puisqu’il est aussi garanti par la constitution. Par ailleurs, le service minimum, aussi craint par les détracteurs de l’amendement, est désormais considéré comme un impératif démocratique envers le peuple-contribuable dans certains secteurs essentiels ; et il ne remet pas en cause le droit de grève.

Alors que la Tunisie cherche des bailleurs internationaux pour financer sa croissance, une telle position envoie un signal particulièrement négatif. Si la majeure partie des décideurs présidant au futur politique de la Tunisie sont incapables de comprendre que le développement passe par l’entreprise et l’initiative économique, la crédibilité du pays ne peut qu’en souffrir.

Les micro entreprises, qui forment 95 % du tissu économique du pays, sont les premières concernées par la liberté d’entreprendre. En supprimant cet amendement, l’Assemblée constituante a trahi ce pour quoi Mohamed Bouazizi s’est battu.

Emmanuel Martin est analyste sur www.LibreAfrique.org.
Publié en collaboration avec LibreAfrique.org

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