La descente surprise de la BAT (Brigade Anti-Terroriste) de Tunisie vendredi chez Abou Iyadh, chef d’Ansar al-sharia, a créé la polémique en Tunisie. En fuite depuis septembre dernier, la recherche d’Abou Iyadh est devenue primordiale pour le gouvernement d’Ennahda, qui le considère comme une « atteinte à la stabilité de la Tunisie ».
Une descente inopinée. La BAT a pris d’assaut vendredi la maison de Seiffine Ben Hassine alias « Abou Iyadh », chef terroriste le plus recherché du pays et chef du mouvement Ansar al-sharia. Son domicile, situé à Boukornine Hammam Lif, dans la banlieue sud de Tunis, a été encerclé hier matin par les unités spéciales de lutte contre le terrorisme. Bilan : le principal suspect est introuvable, mais les forces de l’ordre ont procédé à l’arrestation de deux citoyens dont le motif reste inconnu.
Activement recherché par les services de renseignement tunisiens, Abou Iyadh est en fuite depuis septembre 2012, après avoir fomenté une vive manifestation à Tunis devant l’ambassade américaine pour protester contre un film anti-islam : « L’innocence des musulmans ».
Une protestation qui avait rapidement dégénéré en conflit.
Des manifestants salafistes s’introduisent dans l’enceinte de l’ambassade des Etats-Unis, où ils ont élevé leur drapeau Tawhid (unicité de DIEU) et brûlé plusieurs voitures. Le bilan est lourd : 4 morts et des dizaines de blessés. Depuis lors, Abou Iyadh est devenu la bête à abattre pour le gouvernement de Moncef Marzouki. C’est le début d’une longue cavale.
Abou Iyadh ne lâche rien
Mais l’homme ne renonce pas à ses aspirations terroristes. Sur sa page Facebook, il multiplie les menaces et déclare ouvertement la guerre à Ennahda, le parti au pouvoir. « Aux tyrans qui se prennent pour des islamistes, sachez que vous êtes en train de commettre des bêtises qui vous précipitent à la guerre. Votre guerre n’est pas contre nos jeunes, mais contre la religion », avait-il déclaré en mai dernier, dans un communiqué posté sur internet.
Mais déjà en mars, l’on pouvait entrevoir les prémisses d’une guerre fratricide entre Ennahda et Ansar al-sharia. Dans une interview accordée au journal LeMonde.fr, Ali Laarayedh fait une déclaration lourde de conséquence. Il affirme l’implication d’Abou Iyadh dans plusieurs incidents de violence et dans des affaires de trafic d’armes. « Il y a une faction du terrorisme qui prône la violence et le terrorisme. Cette faction est en guerre avec l’État et la société », fait savoir le Premier ministre tunisien. Mais Abou Iyadh riposte. « Ennahda doit se rattraper avant que nous ne passions à l’acte. La réponse sera ce que vous verrez de vos propres yeux et non ce que vous entendrez », menace-t-il
Le divorce est consommé
Les affrontements du 19 mai à Ettadhamon, dans la banlieue de Tunis, sèment le divorce entre le gouvernement d’Ennahda et Ansar al-sharia. Le gouvernement avait alors formellement interdit à Ansar al-sharia de tenir son congrès à Kairouan, dans le centre du pays. Mais les jeunes d’Abou Iyadh refusent d’obéir et tiennent tête à Ennahda. Leur manifestation a finalement eu lieu, mais a été réprimée dans le sang. Bilan : 1 mort, une trentaine de blessés et 274 arrestations.
Les assaillants de l’ambassade des Etats-Unis, soupçonnés d’appartenir au réseau salafiste, sont jugés fin mai et condamnés à deux ans de prison avec sursis par le tribunal de première instance de Tunis. Mais toujours sans trace de Abou Iyadh.