Tunisie : l’homosexualité dans le débat politique


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La Révolution de Jasmin et la chute de Ben Ali semblaient avoir donné un nouveau souffle à la liberté d’expression en Tunisie et notamment celle des homosexuels. Mais le ministre tunisien des Droits de l’Homme, Samir Dilou, a récemment déclaré que « la liberté d’expression des homosexuels a des limites ». Pourtant, plusieurs médias comme la radio « Tunisia Gay » ou encore « GayDay Magazine » rencontrent un public bien réel.

Alors que les médias destinés aux homosexuels se développent timidement en Tunisie, le sujet reste encore tabou dans la société. L’homosexualité est toujours punie par la loi. Depuis 1913, le code pénal tunisien sanctionne « la sodomie entre adultes consentants » par trois ans de prison. Dans les faits, les homosexuels sont tolérés dans la société à condition de faire preuve de discrétion.

Ils « devraient plutôt se faire soigner »

« Il n’est pas question que la perversion sexuelle soit un droit humain. Ces personnes devraient plutôt se faire soigner », déclare Samir Dilou, le ministre tunisien des Droits de l’Homme lors d’une émission sur Hannibal TV. Il poursuit, « ce sont des citoyens, mais ils doivent respecter les lignes rouges fixées par notre religion, notre héritage et notre civilisation ». Les réactions de mécontentement vis-à-vis de ces déclarations ont été nombreuses, notamment sur les réseaux sociaux. « Les militants ont également demandé à leurs membres sur Facebook d’afficher un message sur leur profil en réponse au ministre en charge des Droits humains : « Je suis un homme, monsieur le ministre des Droits de l’Homme ».

L’homosexualité est très peu abordée dans la société tunisienne, rares sont les personnes qui osent vraiment en parler. Beaucoup d’homosexuels vivent leur sexualité cachés. Certains sont mariés mais n’en parlent pas. C’est ce qu’explique le Tunsien Mehdi Ben Attia, auteur du film Le Fil (sorti en 2008 et réalisé par Mehdi Ben Attia, avec Claudia Cardinale, Antonin Stahly-Vishwanadan, Salim Kechiouche) De retour en Tunisie, après la mort de son père, Malik, la trentaine, doit à nouveau vivre chez sa mère. Il voudrait lui dire qu’il aime les hommes, mais il n’y arrive pas et s’enfonce dans ses mensonges. Lorsqu’il rencontre Bilal, tout devient possible : le jeune architecte, son amant et sa mère s’affranchissent des interdits pour embrasser pleinement la vie. Dans la chaleur de l’été tunisien, chacun va toucher du doigt le bonheur auquel il a longtemps aspiré.]] réalisé en 2008 et dont l’histoire traite de deux homosexuels tunisiens. « En Tunisie, le vrai interdit c’est de se dire homo, pas d’avoir des pratiques homos ». Il explique avoir de l’espoir, « il y a une forte demande de liberté, de respirer, contre la censure. Un climat favorable. Pour exemple, mon film a été interdit en Tunisie. Mais j’ai bon espoir qu’il soit bientôt diffusé. Ce serait peut-être un bon indice du changement ».

« L’homosexualité, ça reste choquant »

L’homosexualité était entrée dans le débat politique pendant les élections de l’Assemblée constituante tunisienne d’octobre. Des membres du parti islamiste Ennahda, qui a remporté la majorité des sièges de cette Assemblée, avaient alors déclaré qu’ils respecteraient les droits des homosexuels. Un des membres de ce parti, Riad Chaibi a proposé à cette occasion de réexaminer le problème de la « dignité » en société de ces personnes « dévalorisées ». A l’heure des nouvelles déclarations du ministre tunisien des Droits de l’Homme, certains se demandent si ces interventions n’étaient pas pure propagande électoraliste.

Un partisan d’Ennahda résume ainsi la pensée d’une partie de la population tunisienne : « Ces gens-là pensent qu’ils ont droit à la liberté d’expression. Mais il faut qu’ils comprennent que la révolution n’est pas la même pour tous. Aucun Tunisien ne souhaite les voir s’afficher librement. Même sur internet, ça reste choquant pour beaucoup d’entre nous », peut-on lire sur SlateAfrique.

La route reste longue jusqu’à une reconnaissance réelle des droits des homosexuels en Tunisie et dans bien d’autres pays d’Afrique. Trente-neuf des cinquante-quatre pays qui composent le continent pénalisent encore l’homosexualité. Lors du 18e sommet de l’Union africaine à Addis Abeba en Éthiopie, le Secrétaire général des Nations-Unis Ban Ki-moon appelait les dirigeants africains à réexaminer la question des droits des homosexuels.

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