Alors qu’en Tunisie « le peuple veut la chute du régime », le président de la Constituante, Mustapha Ben Jaafar, a annoncé la suspension de l’Assemblée
. Des députés d’Ennahda dénoncent un « coup d’Etat interne ».
Après l’importante mobilisation de l’opposition la nuit dernière – quelque 40 000 manifestants dans la rue à Tunis pour réclamer le départ du gouvernement dominé par les islamistes d’Ennahda – l’Assemblée a suspendu ses travaux. En effet, le président de la Constituante tunisienne, Mustapha Ben Jaafar, a annoncé la suspension de l’Assemblée Nationale Constituante (ANC) dans le but de forcer le pouvoir et l’opposition à dialoguer.
« J’appelle tout le monde à participer au dialogue (…) Les Tunisiens en ont marre », a déclaré Mustapha Ben Jaafar au cours d’une allocution télévisée. « J’assume ma responsabilité de président de l’ANC et suspends les travaux de l’Assemblée jusqu’au début d’un dialogue et cela pour le bien de la Tunisie », a-t-il annoncé. La Présidence, à l’instar de son gouvernement, n’a émis aucune réaction à cette annonce. L’opposition a en revanche salué une initiative positive, mais insuffisante. Cette dernière exige la dissolution de l’ANC et la chute du régime. Les membres de l’Assemblée, élus il y a 21 mois, n’ont toujours pas achevé l’écriture du projet de Constitution, exaspérant les Tunisiens. La nouvelle loi électorale n’a quant à elle toujours pas été votée, ce qui signifie que la date précise de nouvelles élections ne peut être encore fixée.
« Coup d’Etat et légitimité »
La suspension de l’Assemblée constituante est vue par certains, à l’image de Néjib Mrad, comme un coup d’Etat. « Ce que Ben Jaafar a fait, fait partie d’un coup d’Etat interne. C’est un coup d’Etat inacceptable », a déclaré le député d’Ennahda à la chaîne de télévision Al-Moutaoussit.
La rue exige un référendum. Dans le journal La Presse, le leader du mouvement Ennahda, Rached Ghannouchi, affirme que les « manifestations ne changent pas les gouvernements » dans les « régimes démocratiques ». Cette déclaration est en réponse au principal slogan des manifestants qui réclame la chute du régime. Ghannouchi s’est toutefois dit favorable à la tenue d’un référendum et même à des discussions avec l’opposition.
Des airs de 2011
La Tunisie a comme un parfum de 2011. Le pays sent l’implosion et le sentiment d’une fin imminente du régime à chaque manifestation. Des paroles fortes : « Ach-chaab yourid isqât al-nizâm », a pris tout son sens en 2011, lorsque Ben Ali a pris un aller sans retour pour Riyad. « Ach-chaab yourid isqât al-nizâm » signifie « le peuple veut renverser le régime », un puissant slogan popularisé en février 2011 qui a fait le tour des pays arabo-musulmans et qui fait trembler ses dirigeants.
Ils étaient ainsi au moins 40 000 manifestants selon la police, 100 000 à 200 000 selon l’opposition, à crier la chute du régime sur la place Bardo, à Tunis. Il s’agissait de la plus importante manifestation depuis le début de la contestation qui a repris de plus belle le jour de l’assassinat de l’opposant Mohamed Brahmi, le 25 juillet, à peine six mois après celui de Chokri Belaïd.
La manifestation de lundi rendait surtout hommage à Chorki Belaïd, tué le 6 février. Elle répondait aussi à la marche de milliers de partisans d’Ennahda, organisée samedi dans le centre de Tunis.