Tourisme, Médias, finances, construction, télécommunications : l’entourage de l’ancien président Ben Ali, notamment les frères de son épouse Leila Trabelsi, a fait main basse sur des pans entiers de l’économie tunisienne. Un empire dont les fondations ont été ébranlées par la révolution tunisienne. L’ancien président et son épouse, aujourd’hui refugiés en Arabie Saoudite, et plusieurs de leurs proches sont aujourd’hui poursuivis par Interpol pour leurs biens mal acquis.
Un formidable pactole! L’entourage familial de Zine El Abidine Ben Ali, notamment les frères de son épouse Leila Trabelsi, a constitué au fil des vingt-trois ans de règne du président déchu une vaste nébuleuse qui a infiltré toutes les sphères économiques du pays, allant des médias à la banque en passant par la grande distribution et le transport aérien. Une fortune estimée à 12 milliards d’euros, selon Le Figaro. Les membres de cette famille sont sous le coup d’un mandat international lancé par Interpol. L’ancien président et son épouse, aujourd’hui refugiés en Arabie Saoudite, sont poursuivis pour « acquisition illégale de biens mobiliers et immobiliers » et « transferts illicites de devises à l’étranger ». Huit de leurs proches sont également recherchés. De même, les avoirs de la plupart des membres de la famille ben Ali-Trabelsi ont été gelés dans plusieurs pays d’Europe.
Belhassen Trabelsi, le « parrain »
La famille de Leïla Ben Ali, épouse du président déchu, a fait main basse sur des pans entiers de l’économie tunisienne. Sa fortune se chiffrerait en centaines de millions d’euros, et les services secrets français la soupçonnent d’avoir emporté 1,5 tonne d’or dans sa fuite. Mais le pilier du clan, qualifié de « quasi-mafia » dans un télégramme diplomatique envoyé à Washington par l’ambassade des États-Unis à Tunis et rendu public par WikiLeaks, reste le frère de Leïla, Belhassen Trabelsi. Surnommé le « parrain », il régnait en maître sur tous les secteurs : transports aériens (Karthago Airlines), télécoms (Global Telecom Networking), construction de camions (Alpha Ford International), licences d’importation d’automobiles (Ford, Jaguar et Hyundai), tourisme, médias (Mosaïque FM et Carthage TV). Les autorités du Canada, pays où il s’est réfugié après la chute de Ben Ali, ont accepté une requête de Tunis pour la saisie de ses avoirs. Son statut de résident permanent au Canada lui a été retiré ainsi qu’à sa famille. Depuis, ils ont demandé le statut de réfugié.
Mohamed Sakhr et l’affairisme vert
Mohamed Sakhr el-Materi, le mari de Nasrine, la première fille du couple présidentiel, était l’autre homme fort du clan Trabelsi. A 30 ans, il gérait de nombreuses affaires. Il s’était notamment lancé dans la finance islamique. Il est le fondateur d’une radio et une télévision religieuses, Radio Zitouna et Zitouna TV, ainsi que de la première banque islamique tunisienne (Ezzitouna), qui s’est retrouvée en grande difficulté après sa fuite. Lui aussi recherché par Interpol, il aurait été aperçu dans un centre commercial à Doha, la capitale du Qatar, par des citoyens tunisiens, fin janvier.
Slim Chiboub, le mal aimé
Figure connue dans le monde du sport où il fut président de l’EST, membre exécutif au sein des instances de la FIFA, et depuis juin 2009 président du Comité national olympique tunisien, Slim Chiboub, l’autre gendre de l’ancien du président tunisien, était aussi très présent dans les affaires. Membre du conseil d’administration de la Société immobilière et touristique Marina Gammarth, il avait lancé, fin 2010, sa propre entreprise immobilière, Lake Real Estates. Selon plusieurs sources, il aurait fui en Libye deux jours avant le départ de Ben Ali. Il aurait été exfiltré par les services de renseignements militaires libyens, avec la coordination de leurs homologues tunisiens, selon le journal Maghreb Intelligence. Les autorités tunisiennes l’auraient laissé sachant qu’il était en disgrâce auprès de l’ex-Première dame depuis quelques temps.
Imed Trabelsi, le mort vivant
Au lendemain de la fuite de l’ex-président Ben Ali, iI avait été déclaré mort à la suite d’une blessure à l’arme blanche à l’hôpital militaire de Tunis. Information aussitôt démentie par le ministre tunisien de l’Intérieur Ahmed Friaa, qui a affirmé que le neveu de Leïla Trabelsi a été arrêté par la police. Considéré comme l’un des symboles de la corruption de l’ancien régime, Imed Trabelsi avait été «élu» en mai 2010 maire de La Goulette, une commune au nord de Tunis, sur laquelle il régnait bien avant les élections. Il avait été poursuivi en vain en France pour le vol du prestigieux yacht de Bruno Roger, l’un des dirigeants de la Banque Lazard et proche de l’ex-président Jacques Chirac et de l’actuel chef de l’Etat Nicolas Sarkozy. Imed Trabelsi a fait fortune dans l’immobilier et la grande distribution en association notamment avec la société française Conforama.
Marouane Mabrouk, Monsieur Propre
Actionnaire majoritaire dans l’opérateur téléphonique Orange Tunisie, présent dans la grande distribution à travers les supermarchés Monoprix et l’hypermarché Géant, le marché automobile (concessions de Mercedes et Fiat), l’agroalimentaire, Marouane Mabrouk, époux de Cyrine, la fille cadette de Ben Ali, a multiplié les sorties médiatiques après le départ de l’ancien dictateur pour tenter de dissocier son image du « clan ». Ainsi, dans une interview récente au magazine Challenge, il déclarait : «Je possède un groupe industriel ancien et je n’ai aucun lien – ma femme non plus – avec les malversations de la famille Trabelsi. Sur le plan privé, ma femme est certes la fille de l’ex-président, mais elle est issue du premier mariage. Ça n’a rien à voir avec la deuxième famille. Et je suis séparé de ma femme depuis un an.» La justice française a toutefois saisi, début février, le jet privé de l’homme d’affaires qui était stationné à l’aéroport du Bourget. Par contre, et contrairement à la plupart des membres de sa famille, Marouane Mabrouk ne fait l’objet d’aucune poursuite en Tunisie.
Les autorités intérimaires tentent aujourd’hui de tourner la sombre page de Ben Ali. Le gouvernement Ghannouchi vient d’annoncer l’ouverture prochaine d’une conférence internationale sur le soutien aux réformes politiques et économiques en Tunisie.
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