Des échanges de tirs survenus ce lundi entre des soldats tunisiens et un groupe « terroriste », dans une zone d’activité d’Al-Qaïda, ont fait huit victimes côté militaire. Le gouvernement se dit atteint par cette attaque, mais exclut toute idée de démission, comme le réclame l’opposition.
« Huit soldats ont été tués lors d’échanges de tirs avec un groupe terroriste, au mont Chaambi », a indiqué la télévision d’Etat, Wattaniya 1. L’info est tombée dans le journal du soir de la chaîne nationale, qui précise qu’ « il s’agit de membres d’une unité d’élite », sans donner plus de précisions sur les circonstances des affrontements. L’embuscade a eu lieu au mont Chaambi, une zone d’activité de la branche d’Al-Qaïda. Ces tueries interviennent dans un moment de fragilité du gouvernement tunisien qui connait une contestation grandissante, depuis l’assassinat de l’opposant Mohamed Brahmi. Mais le gouvernement dirigé par des islamistes exclut toute idée de démission.
Deuil national
La Tunisie connait un deuxième deuil national, six jours après l’assassinat du député de l’opposition, Mohamed Brahmi. Selon le bilan du ministère de la Défense, cité par l’agence officielle Tunis Afrique Presse (TAP), huit militaires ont été tués et trois autres blessés dans l’embuscade, dans la zone du mont Chaambi, située à proximité de la frontière algérienne, et contrôlée par Al-Qaïda. La Présidence a annoncé dans un communiqué « un deuil national de trois jours », après cet assaut qui reste le plus grave contre les forces tunisiennes, depuis la révolution de 2011.
D’autres informations fournies par d’autres médias tunisiens évoquent un bilan de sept à neuf morts. Des sources militaires et médicales indiquent que plusieurs des victimes avaient été égorgées. Des images de la télévision d’Etat montrent des corps mutilés.
Dans les rues tunisiennes c’est la grogne chez les populations, excédées par la situation actuelle de leur pays. Dans la nuit du lundi, une centaine de manifestants en colère se sont regroupés à Kasserine, ville voisine du mont Chaambi, et des heurts impliquant policiers, détracteurs du pouvoir et partisans du gouvernement, ont eu lieu, selon la presse locale. Sans faire de victime.
De son côté, le Président Mocef Marzouki, un laïc allié aux islamistes d’Ennahda au pouvoir, a fait appel à « l’union nationale ». « Si nous voulons affronter ce danger (terrorisme), nous devons l’affronter unis. J’appelle la classe politique à revenir au dialogue, car le pays, la société sont menacés », a-t-il déclaré. Le Président tunisien regrette que la mort de Mohamed Brahmi, attribuée aussi aux salafistes djihadistes, n’a pas contribué à l’union nationale, mais plutôt pour la division et l’anarchie » en Tunisie.
Ennahda seul contre tous ?
A l’annonce de cette attaque, et aux différentes manifestations survenues dans les rues tunisiennes, le Premier ministre, Ali Larayedh, issu du parti islamiste Ennahda, a exclu tout départ de l’ensemble du gouvernement, mais il a promis des élections pour le 17 décembre. Une date symbolique, car il s’agit du jour où, en 2010, le vendeur ambulant, Mohamed Bouazizi, s’est immolé par le feu, donnant le coup d’envoi de la révolution tunisienne. « Ce gouvernement continuera d’assumer ses fonctions. Nous ne nous accrochons pas au pouvoir, mais nous avons un devoir et une responsabilité que nous assumons jusqu’au bout », déclare-t-il. Dans le même temps, le Premier ministre se dit « ouvert au dialogue ». Tandis que l’opposition demande la démission du gouvernement et l’organisation d’élections. Surtout que les autorités en place ont annoncé de multiples calendriers électoraux qui n’ont pas été respectés. D’ailleurs, le même Larayedh promettait un scrutin avant la fin 2013.
L’un des partenaires laïcs des islamistes, Ettakatol, n’exclut pas la possibilité de se retirer du gouvernement. Il doit se prononcer sur sa décision, au cours d’une réunion, dans la nuit de lundi à mardi.
Cette embuscade vient une fois de plus remettre en cause la capacité du gouvernement à pouvoir sécuriser le territoire tunisien. Le gouvernement fait l’objet d’une contestation grandissante depuis l’assassinat, jeudi, de Brahmi, deuxième opposant à être tué, après Chokri Belaïd, abattu le 6 février 2013. Et ce premier assassinat avait précipité la chute du premier gouvernement d’Ennahda.