Les premiers pourparlers pour sortir la Tunisie de sa crise politique ont échoué. Partisans et détracteurs du gouvernement dominé par les islamistes d’Ennahda s’affronteront ce soir à coups de slogans dans la rue.
Les premiers pourparlers pour sortir la Tunisie de la profonde crise politique dans laquelle elle est à nouveau embourbée depuis l’assassinat, le 25 juillet, de l’opposant Mohamed Brahmi, ont capoté. Chapeautées par le puissant syndicat de l’UGTT, dirigé par Houcine Abassi, les négociations auxquelles ont pris part, ce lundi, le chef du parti d’Ennahda, principal parti au pouvoir, Rached Ghannouchi, l’opposition et le président de l’Assemblée nationale constituante (ANC), Mustapha Ben Jaafar, n’ont laissé présager aucune avancée de sortie de crise.
Un échange « positif » mais stérile
Aucune bonne nouvelle donc à l’occasion de la journée célébrant les acquis des femmes tunisiennes, une initiative unique au monde. Bien que Ghannouchi ait évoqué un échange « positif et constructif », l’opposition a quant à elle qualifié d’inchangée l’attitude d’Ennahda. L’opposition campe sur sa position. Pour une sortie de crise favorable, le gouvernement doit démissionner et l’Assemblée doit être dissoute. Une proposition à laquelle s’oppose fermement l’UGTT, capable de paralyser le pays du jour au lendemain, en annonçant une grève générale. Ennahda a donc le soutien indirect du principal syndicat du pays qui préfère la composition d’un gouvernement de technocrates. Malgré qu’il ait suspendu les travaux de la Constituante, Mustapha Ben Jaafar s’est, de son côté, dit non-favorable à la dissolution de l’Assemblée.
Ennahda table sur sa proposition d’élargir sa coalition avec deux partis « laïcs » et promet d’organiser des élections en décembre prochain. Une proposition qui s’annonce difficile dans la mesure où la nouvelle loi électorale n’a toujours pas été votée, le sésame pour la tenue de nouvelles élections.
Islamistes, détracteurs et femmes manifestent
Ce mardi, des marches pour la victoire des acquis de la femme tunisienne se mélangent à celles des anti-Ennahda. « Ce sera une manifestation historique, étant donné les circonstances difficiles que le pays traverse : les assassinats politiques, le terrorisme et les tentatives de faire reculer les droits des femmes », a jugé Najoua Makhlouf, une responsable de l’UGTT. Les slogans contre la polygamie et les mariages coutumiers fusionneront à partir de 19 heures, parallèlement à ceux qui appellent à la démission du gouvernement. Les manifestants gardent à l’esprit la tentative d’Ennahda d’avoir voulu inscrire, en 2012, le principe de « complémentarité » des hommes et des femmes. Durant cette manifestation, l’UGTT figurera dans les rangs de l’opposition.
Le parti islamiste va lui aussi tenter une démonstration de force, en organisant son propre rassemblement sous la bannière : « les femmes de Tunisie, piliers de la transition démocratique et de l’unité nationale ». Une manière pour Ennahda d’insister sur le maintien des « institutions transitoires » issues d’élections libres, organisées en octobre 2011 et toujours en place, faute de consensus de la Constitution.
Les deux camps, Ennahda et opposition, doivent se revoir dans la semaine pour un acte 2 des pourparlers. Un premier cabinet dirigé par Ennahda avait démissionné après l’assassinat de Chokri Belaïd, le 6 février dernier. Le gouvernement actuel tiendra-t-il tête face à une pression similaire de la rue, issue elle aussi d’un meurtre, celui de Mohamed Brahmi le 25 juillet dernier, ou tombera-t-il à son tour ? Est-ce qu’un consensus entre Ennahda et l’opposition finira par être trouvé ?