Créée après la révolution par les Français Rafika Bendermel et Paolo Kahn, l’association Tunisie Bondy Blog initie de jeunes blogueurs, issus des régions défavorisées de Sidi Bouzid, Gafsa et Gasrine, au métier du journalisme. L’objectif est de leur permettre de raconter le quotidien des populations de ces zones stigmatisées, délaissées par les médias et les pouvoirs publics.
Tremper la plume dans la plaie ! Tel est l’objectif de l’équipe de blogueurs âgés de 25 à 27 ans du Tunisie Bondy Blog, en référence à la ville de Bondy où le blog a vu le jour. L’idée est d’amener l’opinion à porter un autre regard sur les banlieues parisiennes longtemps stigmatisées.
L’association, à l’initiative de deux jeunes Français, Rafika Bendermel, 27 ans, rédactrice en chef du blog et Paolo Kahn, 25 ans, coordinateur, est née après la révolution qui a mis fin au règne de Ben Ali. L’organisation, dotée de neuf salariés, dispose de bureaux dans les régions de Sidi Bouzid, Gafsa et Gasrine, dans le sud de la Tunisie. Son but est de former au métier du journalisme des jeunes issus des zones défavorisées afin qu’ils racontent ce qui s’y passe au quotidien.
C’est dans ces trois régions abandonnées par les pouvoirs publics, minées par la pauvreté et le chômage, que le soulèvement de janvier 2011 a vu le jour. D’où l’idée du Tunisie Bondy blog qui constitue aussi un espoir pour les jeunes sans perspectives d’avenir dans le sud tunisien, où la fracture avec le nord du pays persiste.
Former une génération de journalistes…
Le projet soutenu par l’Union Européenne et Canal France International (CFI) est né à la suite d’un voyage dans le sud de la Tunisie en octobre 2011 de Rafika Bendermel et de Paolo Kahn. Les deux jeunes Français ont effectué plusieurs séjours à Sidi Bouzid, d’où a éclaté la révolution tunisienne, suite à l’immolation par le feu du jeune marchand ambulant Mouamed Bouazizi, en guise de contestation aux policiers qui ont saccagé sa marchandise. « Nous voulions vivre en contact avec les habitants de cette région du sud de la Tunisie pour comprendre leur quotidien afin de former une génération de journalistes qui puissent raconter ce qui se passe chez eux car cela fait aussi partie de la démocratie ! », explique la rédactrice en chef du Tunisie Bondy Blog Rafika Bendermel.
Selon la jeune femme, « il y a des jeunes dans ces régions encore stigmatisées qui ont du potentiel et une vraie motivation pour changer les choses. Or, dans ces zones ceux qui ont envi de faire du journalisme sont très peu nombreux. » Des régions prioritaires pour l’association, car la majorité des médias dans le pays sont concentrés à Tunis. Résultat, « on ne sait pas ce qui se passe dans les régions. Il était donc impératif de donner la parole aux habitants ».
L’information verrouillée
« Le problème en Tunisie c’est que l’information a toujours été centralisée autour de Tunis, comme si en dehors de la capitale plus rien n’existe dans le pays », renchérit le coordinateur du Tunisie Bondy Blog, Paolo Kahn. « Il y a cinq ans encore, plusieurs personnes pouvaient être incarcérées par les autorités sans que personne n’en parle parce que les médias étaient très contrôlées par le pouvoir, dénonce le jeune homme. Il y a donc toute une génération de journalistes qui n’ont jamais pu exercer leur fonction comme il se devait à cause du contrôle très strict de l’information par le régime en place ». Raison pour laquelle les deux jeunes responsables incite leurs blogueurs à rompre avec les méthodes des médias traditionnels tunisiens, en ayant « leur propre style d’écriture ».
Toutefois pas question « de donner son opinion à tort et à travers », insiste la rédactrice en chef. « Même si c’est un média citoyen nous incitons les blogueurs à être professionnels. Lorsqu’on fait du journalisme, on n’écrit pas pour soi mais pour les autres. Les lecteurs veulent savoir ce qui se passe réellement dans leur région et non pas à avoir l’avis de celui qui rédige l’article ». L’objectif du Tunisie Bondy Blog « n’est pas non plus de remplacer les médias tunisiens qui doivent se réformer, explique Rafika Bendermel. C’est aux autorités de les soutenir dans cet énorme chantier. Ce n’est pas à nous de gérer cela ! »
En tous cas, le Tunisie Bondy Blog, lui, a déjà entamé la révolution de l’information dans le pays.