Le Président Zine el Abidine Ben Ali a été réélu dimanche, avec près de 94 % des suffrages, au sommet de l’Etat tunisien. Son parti devrait rafler 80 % des sièges du Parlement. Après avoir fait modifier la Constitution pour pouvoir se représenter, le « garant de l’avenir » devrait pouvoir perpétuer quelques années encore son modèle à base de relative stabilité intérieure et de privation des libertés d’expression.
Six pour cent des 4,6 millions d’électeurs tunisiens n’auraient pas voté pour Zine el Abidine Ben Ali ce dimanche. Le Président sortant a été réélu au sommet de l’Etat tunisien avec 94,48 % des suffrages, selon des résultats officiels encore partiels. Loin des 99,44 % réalisés lors du premier scrutin dit « pluraliste » du pays, en 1999, et encore plus des 99,9 et 99,27 % obtenus en 1994 et 1989. Mohamed Bouchiha, du Parti de l’Unité populaire (Pup) et Mounir Béji, du Parti social libéral (PSL), les deux candidats dits « de soutien », c’est à dire très proches de Ben Ali, obtiennent respectivement 3,78 %, et 0,79 % des voix. Mohamed Ali Halouani, du parti Ettajdid (ex-parti communiste), qui s’était présenté comme le seul candidat de l’opposition, après qu’une tentative d’alliance ait échoué, a obtenu 0,95 % des suffrages. 91,52 % des 4,6 millions d’électeurs tunisiens se seraient rendus aux urnes.
Les résultats des législatives, couplées aux présidentielles, ne seront connus que dans l’après-midi. Mais selon un décompte effectué par l’Agence France presse (AFP), à partir des résultats officiels, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) de Ben Ali rafle, comme cela était prévu, 80 % des sièges du Parlement. Vingt pour cent des sièges sont de toute façon réservés à l’opposition, selon des disposition prises par le régime pour favoriser le pluralisme !
« 98 % de l’espace médiatique »
Le RCD a bénéficié, pour réaliser ces performances, d’un réseau de plus d’un million de « militants » et de l’appui inconditionnel de l’administration. Depuis le début de la campagne, les journaux télévisés des chaînes publiques n’ont eu de cesse de diffuser les images de Ben Ali dans sa tournée nationale. Suivis par la quasi majorité des titres de la presse écrite. « Près de 98 % de l’espace médiatique sont occupés par le candidat-président Ben Ali et par son parti », selon la journaliste et militante du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT), Sihem Ben Sedrine, citée par Le Monde. Durant sa tournée, « l’artisan du Changement », « garant de l’avenir », a répété son discours sur la croissance économique, la sécurité et le rejet de l’islamisme ou encore la promotion des femmes. Une relative stabilité intérieure qui permet au Président, au pouvoir depuis 17 ans, de ne pas voir la communauté internationale trop s’intéresser aux entorses à la liberté d’expression dans son pays.
L’écrasante majorité des partis d’opposition, de l’extrême gauche aux islamistes, sont interdits et contraints de militer hors de leurs frontières. Durant la campagne, Mohamed Ali Halouani a disposé de cinq minutes d’antenne, alors que son « manifeste », trop critique, a été censuré et interdit de diffusion. A l’annonce des résultats, Mohamed Bouchiha s’est déclaré « satisfait » de son score et n’a pas hésité à se réjouir d’avoir « contribué à briser le tabou des scores à plus 99 % enregistrés lors des scrutins présidentiels précédents » ! Il a fait état d’une « campagne correcte » et d’une « neutralité claire » de l’administration.
Au contraire de l’Initiative Démocratique (ID), qui parraine le candidat Mohamed Ali Halouani, et a contesté lundi les résultats des élections en les qualifiant d’« insulte à l’intelligence des Tunisiens ». Le porte-parole de l’ID, l’avocat Ayache Hammami, envisage un recours devant le Conseil constitutionnel. De son côté, Mustapha Ben Jaâfar, dirigeant du Forum démocratique et des libertés (parti d’opposition légal), a estimé que ces résultats « ne correspondent pas à l’expression de la volonté populaire ». Au contraire, « selon les premières données, nous ne constatons pas de graves dépassements, juste des détails logistiques d’organisation, qui n’entament en rien la crédibilité du scrutin », a déclaré Ahmed Ben Helli, chef de la mission d’observateurs de la Ligue des Etats arabes. Sans évoquer les tares structurelles du régime qui rendent difficile toute organisation d’élections transparentes et démocratiques dans le pays.