Le président tunisien Zine El-Abidine Ben Ali a procédé mercredi à un remaniement ministériel à la suite de violentes manifestations de jeunes chômeurs dans plusieurs villes du pays. Dans un discours la veille, il s’est dit préoccupé par la situation, mais il a dénoncé une « diffamation médiatique hostile à la Tunisie ».
Le régime tunisien a fini par réagir aux tensions qui secouent le pays depuis le 17 décembre. Le président Zine El Abidine Ben Ali a remplacé mercredi son ministre de la Communication Oussama Romdhani par Samir Abidi, ministre de la Jeunesse et du Sport. Ce mini-remaniement intervient au lendemain de sa première intervention médiatique depuis le début des troubles sociaux en Tunisie, qui ont éclaté le 17 décembre à Sidi Bouzid (centre-ouest) et engendré par la suite une vague de manifestations dans plusieurs villes. A l’origine de ce vent de colère, la tentative de suicide de deux jeunes chômeurs de Sidi Bouzid. Mohammed Bouazizi, un jeune vendeur de fruits et légumes, s’est immolé le 17 décembre après la confiscation de sa marchandise par la police. Il a survécu, mais, souffrant de brûlures graves, il se trouve aujourd’hui à l’hôpital. Houcine Néji a eu quant à lui moins de chance : il s’est tué le 22 décembre en montant sur un pylône électrique pour, semble-t-il, dénoncer le chômage. A Sidi Bouzid, un civil a été tué par balle le 24 décembre après que la police a ouvert le feu, selon le journal en ligne Rue 89.
La situation semble aujourd’hui relativement calme. Selon des sources concordantes, la ville de Jendouba, dans le nord-ouest, et le quartier la Marsa à Tunis ont connu des manifestations de jeunes mercredi, mais elles n’ont pas donné lieu à des heurts avec les forces de l’ordre.
Lors de son intervention télévisée mardi, le président Ben Ali a dit regretter ces tensions : « J’ai suivi avec inquiétude et préoccupation les événements survenus ces derniers jours à Sidi Bouzid (..) le point de départ de ces événements est un cas social dont nous comprenons les circonstances et les facteurs psychologiques et dont les conséquences sont regrettables », a-t-il déclaré dans un discours diffusé par la chaîne nationale TV7. Mais, tout en qualifiant la fronde de la jeunesse tunisienne d’« actes isolés », il a dénoncé une « instrumentalisation politique (de ces événements) par certaines parties qui ne veulent pas le bien de leur patrie et recourent à certaines chaînes de télévision étrangères qui diffusent des allégations mensongères sans vérification et se fondent sur la dramatisation (…) et la diffamation médiatique hostile à la Tunisie ».
« Ras-le-bol général »
Le mouvement d’opposition Bysra, dont les militants participent aux manifestations, suit de près les soubresauts de cette fronde. «Au fil des jours, les revendications sociales se sont transformés en revendications politiques. Nous sommes passés de » on demande du pain » à » on veut plus de liberté » », constate Selim Ben Hassen, responsable du mouvement, joint par téléphone mercredi.
Cette révolte ne représente pas pour autant un réel danger pour le régime de Ben Ali, selon Selim Ben Hassen, parce qu’ « il n’y a pas un vrai parti politique capable de l’encadrer et de porter la voix du peuple dans la perspective d’un changement ».
Alors que la Tunisie est montrée en exemple pour ses bonnes performances économiques, les jeunes restent très touchés par le chômage. Le pays est régulièrement épinglé par les ONG internationales sur la corruption et le népotisme. « On assiste ces dernières années à un affaissement de la classe moyenne », analyse le responsable de Bysra. «Avant, les conditions de vie étaient meilleures. Tout le monde mangeait à sa faim. Mais aujourd’hui, les gens ont de plus en plus de mal à accéder aux soins, à l’éducation, etc. D’où le ras-le-bol général ».
Le président Ben Ali, 74 ans dont 23 au pouvoir, a modifié à plusieurs reprises la Constitution pour rester à la tête de l’Etat. Depuis début 2010, des appels émanant de son entourage se sont multipliés en faveur d’une nouvelle candidature en 2014.