
Bruxelles, Luanda, Ndjamena, Washington, Doha… le dirigeant RD Congolais ne sait plus à quelle capitale se vouer pour tenter de sauver son pouvoir face à l’inexorable avancée du mouvement antigouvernemental de l’AFC/M23 et la perspective d’un dialogue intra-congolais qu’il veut à tout prix éviter.
Mardi 19 mars, un nouveau verrou a sauté. Un de plus, après Sake sur la route de Goma, Kavumu sur celle de Bukavu, c’est Walikale-centre qui est tombée entre les mains des rebelles de l’AFC-M23 au terme de combats de moyenne intensité. « L’armée congolaise (FARDC) est en débandade. Sur le terrain il n’y a qu’un seul camp », constate une source sécuritaire occidentale. De fait, la prise de Walikale-centre ouvre l’accès à la RN3 et offre potentiellement un boulevard en direction notamment de Kindu et, surtout, Kisangani qui n’est plus désormais qu’à quelques heures de route.
Kisangani tombera-t-elle?
Ce qui apparaissait comme une lointaine hypothèse il y a encore quelques semaines devient, les jours passant, une réelle possibilité. Sur le terrain militaire, Félix Tshisekedi n’a plus d’alliés. Les troupes de la SAMIRDC, défaites à Goma fin janvier, se retirent du pays. Un pacte de non-agression a été conclu entre le Burundi et le Rwanda. L’Ouganda au nord permet au M23 d’avancer sans craindre d’être pris à revers. Et ce n’est pas le Tchad, vers lequel Félix Tshisekedi, avait tenté de se tourner, qui volera au secours de son régime.
Tshisekedi n’est pas Zelensky
Ce n’est pas sur le terrain diplomatique, sur lequel il avait pourtant misé, que le dirigeant RD congolais trouvera du réconfort. Les sanctions tant attendues n’ont pas produit l’effet escompté sur le terrain. Dans la sous-région, la versatilité de Félix Tshisekedi, qui donne l’impression de changer de stratégie comme de chemise et de privilégier les interlocuteurs à l’étranger plutôt que ses pairs africains, a fini par lasser ses alliés qui, un à un, l’ont lâché. C’est le cas notamment de l’actuel président en exercice de l’Union africaine, l’Angolais Joao Lourenço, qui a très mal pris la rencontre de Doha, sollicitée par M. Tshisekedi, alors qu’il ne ménageait pas ses efforts pour tenter de réunir les belligérants chez lui à Luanda.
En Europe, Félix Tshiskedi avait misé sur la Belgique, dépensant beaucoup d’argent pour s’acheter ses faveurs. Une stratégie qui s’est finalement révélée contreproductive. « La Belgique a fait preuve d’un zèle peu commun sur le dossier, épousant les exigences de Kinshasa, au risque d’apparaître comme un soutien non de la population mais du régime RD Congolais qui n’a rien de démocratique », déplore un haut-diplomate de l’Union européenne qui lâche : « Tshisekedi n’est pas Zelensky ! » Dans cette histoire, la Belgique a perdu beaucoup de sa crédibilité et s’est peut-être mise hors-jeu toute seule.
Rêve américain
Dans sa stratégie consistant à frapper à toutes les portes en espérant qu’une d’entre elle finisse par s’ouvrir, Félix Tshisekedi s’est soudain tourné vers Trump avec une inspiration en tête : l’Ukraine. En échange de droits miniers, le dirigeant congolais, qui a dépensé des sommes folles en lobbying, escomptait un soutien militaire de la part de la première puissance mondiale. Las, les dirigeants américains ne semblent guère pressés de considérer un éventuel « deal » avec la RDC et encore moins avec un chef d’État perçu comme « fragile » et dont les mois à la tête du pays pourraient être comptés. Preuve du décalage entre les aspirations – pour ne pas dire les illusions – de Kinshasa et la perception de Washington : la RDC vient d’être placée par les Etats-Unis sur la liste des pays dont les ressortissants pourraient faire l’objet de fortes restrictions en termes de délivrance de visas… Une mesure souvent prise à l’encontre de pays dont on redoute une forte expatriation suite à une alternance brutale.

Ne sachant plus à quel saint se vouer et vers quelle capitale se tourner, Félix Tshisekedi s’est rendu, à son initiative, à Luanda, la semaine dernière, pour dire sa volonté de négocier avec le M23, puis à sa demande, à Doha en début de semaine pour faire de même avec le président rwandais Paul Kagame. M. Tshisekedi avait pourtant juré de ne jamais négocier ni avec les uns ni avec l’autre. Qu’importe, la première réunion n’a finalement pas eu lieu, la seconde n’a apparemment rien donné.
Précipitation et improvisation
Reste une impression de précipitation et d’improvisation qui pourrait surprendre. En réalité, ce que veut Félix Tshisekedi, c’est à tout prix d’éviter un dialogue intra-congolais. « Félix Tshisekedi est prêt à négocier y compris avec celui qu’il considère comme le diable, pourvu qu’il ne s’agisse pas de l’opposition ou de la société civile congolaise », explique un universitaire belge. « M. Tshisekedi est prêt à tout concéder : nos minerais, des pans de notre territoire, mais pas la moindre once de son pouvoir », fustige un haut-cadre de l’Ecidé, le parti de l’opposant Martin Fayulu.
Dans ce jeu du chat et de la souris, il est déjà bien tard pour Félix Tshisekedi. Mardi 19 mars, les évêques de la CENCO et de l’ECC, qui se sont déjà entretenus avec la quasi-totalité des chefs d’Etat de l’EAC et de la SADC au sujet d’un dialogue entre le pouvoir et les oppositions en RDC, ont été reçus par Emmanuel Macron. « Je soutiens pleinement leur démarche », a indiqué sur son compte X le président français au terme d’un long échange qualifié de « particulièrement chaleureux et très productif » par l’Elysée. Ce mercredi, les évêques ont repris leur bâton de pèlerin. Ils ont été reçus par le ministre belge des Affaires étrangères, Maxime Prévot.
Complémentaire aux médiations de la SADC et de l’ECC, la démarche de la CENCO-ECC apparait désormais comme incontournable pour régler réellement et durablement – non superficiellement et temporairement – le problème des crises à répétition en RDC. Mais ce n’est pas l’objectif de Félix Tshisekedi. Raison pour laquelle celui qui est installé au pouvoir depuis six ans, sans avoir jamais été régulièrement élu, tente le tout pour le tout afin d’y échapper. Mais ses marges de manœuvre, déjà minces, sont de plus en plus réduites.