Le Président de la République Démocratique du Congo, Félix Tshisekedi- Tshilombo veut châtier le gouverneur du Kasaï Central. Son crime ? Rien de moins que d’avoir dit la vérité !
Dans la nuit du 24 au 25 décembre, alors que le président Congolais, en pleine tournée dans son fief kasaïen, faisait étape à Kananga, le gouverneur du Kasaï Central, Joseph Moïse Kambulu, membre de l’UDPS, le parti présidentiel, a dénoncé, lors d’une conférence de presse, le manque d’infrastructures et de moyens alloués à sa province. Un « discours de vérité » qui a fortement déplu au détenteur du pouvoir central, qui tolère de moins en moins la contradiction, à l’extérieur de son parti comme dans les rangs de ses partisans. L’insolent gouverneur a aussitôt été convoqué à Kinshasa.
« Il a dit la vérité, il doit être exécuté », chantait le Français Guy Béart à la fin des années 1960. Ce refrain, beaucoup de Congolais pourraient aujourd’hui l’entonner au sujet du gouverneur du Kasaï Central, Joseph Moïse Kambulu.
« Je suis gêné, je suis peiné, nous sommes une province totalement abandonnée », a-t-il eu l’outrecuidance de déclarer lors d’une conférence de presse dans la nuit du 24 au 25 décembre, aux côtés du porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya et du ministre des Infrastructures, Alexis Gisaro. « La population a dit « nous voulons la route Kananga – Kalamba Mbuji ». La population a dit « nzembo », ce qui veut dire le courant. La population a dit « maï », ce qui veut dire « eau ». La population a dit « voiries urbaines » », a tonné l’importun tribun, se faisant l’écho des attentes des Kasaïens.
Epée de Damoclès sur la tête de Kambulu
Un crime de lèse-majesté d’autant plus intolérable que Félix Tshisekedi, en pleine tournée kasaïenne, se trouvait au même moment non loin de là, dans sa résidence présidentielle de Kananga, chef-lieu de la province. « Son sang n’a fait qu’un tour. Il fulminait », confie en off un membre de sa délégation. La sanction ne tardera pas à tomber. Quatre jours plus tard, dans un courrier daté du 31 décembre, Joseph Moïse Kambulu est sommé de se rendre « dès réception », autrement dit séance tenante, à Kinshasa pour « consultation ».
En RDC, cette convocation ni ne surprend, ni ne leurre personne. Elle intervient dans un moment de grande fébrilité pour le pouvoir en place. A l’est, après un répit de quelques jours, le M23, soutenu par son parrain rwandais, a repris son offensive. A l’international, la marge de manœuvre de Kinshasa tend à se réduire avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et la nomination probable du Flamand Bart de Wever au poste de Premier ministre en Belgique. Deux hommes moins conciliants vis-à-vis de Kinshasa que ne l’étaient leurs prédécesseurs, Joe Biden et Alexander De Croo.
Résultat : Félix Tshisekedi, qui ne peut véritablement compter que sur le soutien de 15 à 20 % de la population, se crispe et se rétracte sur sa base de fidèles. Le 22 décembre, il convoquait les élus de l’Union sacrée, la majorité présidentielle, pour les remobiliser. « Je ne peux compter que sur vous », leur lançait-il. Dans la foulée, c’est dans son fief du Kasaï, d’où il est originaire, que le président RD congolais avait choisi d’effectuer une « tournée de fin d’année ». Ce n’était pas pour y être accueilli par une volée de bois vert!
Casser le thermomètre plutôt que soigner le mal
Dans ce contexte, la volonté de mettre au pas le gouverneur du Kasaï Central, qui n’a fait que dire tout haut ce que la population pense tout bas, est davantage un signe de faiblesse que de force. A défaut de parvenir à convaincre, le pouvoir de Kinshasa, connu pour entretenir un rapport distant avec la réalité, tente de faire taire toute contradiction, qu’elle émane des opposants (dont beaucoup sont arrêtés ou exilés) ou de ses propres rangs.
« Pour une fois qu’un homme politique en fonction décrit la réalité telle que nous la vivons, on veut le sanctionner », déplore, passablement excédé, un responsable de la Dynamique Défendons le Kasaï Central, un collectif de la société civile qui a décidé d’organiser une marche de soutien au gouverneur Kambulu ce samedi 4 janvier.
A défaut de soigner le mal, Félix Tshisekedi préfère casser le thermomètre. Un pari risqué, qui a ses limites.