La fin du deuxième mandat des Présidents africains, surtout ceux d’Afrique francophone, est de plus en plus un sujet d’inquiétudes. Parce qu’elle est porteuse de crises, ces dernières années. Tant le risque de tentative du passage en force vers le troisième mandat est présent. Or, il suffit d’introduire une petite disposition dans la Constitution pour régler le problème et parer à toute éventualité. Comme c’est le cas au Bénin, depuis 2019.
Le mal du troisième mandat devient récurrent en Afrique surtout dans la partie francophone du continent où les Présidents se basent sur une révision de la Constitution pour remettre leur compteur à zéro. En Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara a usé de ce raisonnement biaisé pour forcer le passage pour un troisième mandat en 2020. Ceci, malgré la levée de boucliers de la population ivoirienne. Même schéma en Guinée avec Alpha Condé dont les militaires conduits par le colonel Mamady Doumbouya ont écourté l’aventure du troisième mandat, moins d’un an après la réélection au forceps du Président.
Le Togo, lui, est otage de la famille Gnassingbé qui y règne en toute tranquillité depuis 1967. Pour nous limiter à ces quelques exemples. Mais non sans évoquer le cas qui fait le plus parler de lui ces derniers temps : le Sénégal de Macky Sall. Et ce cas mérite qu’on s’y attarde particulièrement, pour le modèle de démocratie que le Sénégal était, il y a quelques années, en Afrique.
Le Sénégal dans la tourmente
Élu en 2012 face à un Abdoulaye Wade, candidat à un troisième mandat, Macky est, une décennie plus tard, sur le point de tomber dans les mêmes travers. Chaque fois qu’on questionne le Président sénégalais sur le sujet, il entretient le flou. Parce que pendant son premier mandat, il y a eu une révision de la Constitution.
Mais, dans une interview qu’il a accordée à l’hebdomadaire français L’Express, parue le 20 mars 2023, le Président sénégalais s’ouvre un peu plus sur ses intentions réelles par rapport au scrutin de 2024. Il va au-delà de son curieux « ni oui ni non ». « Le moment venu, je ferai savoir ma position, d’abord à mes partisans, ensuite à la population sénégalaise », a-t-il répondu à la question précise de savoir s’il sera candidat en 2024.
En fait, Macky Sall veut bien briguer un troisième mandat. Pour lui, la conviction qui était la sienne et qui lui avait fait dire, en 2019, qu’il ne fera que deux mandats, peut évoluer. « Les circonstances peuvent m’amener à changer de position », se justifie-t-il. La tentation pour Macky Sall est trop grande. Et autour de lui, le chef de l’État sénégalais a, comme il s’en trouve d’ailleurs partout, des thuriféraires qui font des pieds et des mains, de la bouche et des yeux pour le convaincre de ce qu’il est l’homme providentiel, le seul capable de conduire les destinées du pays de la Téranga. Oui, le seul, l’immortel, l’irremplaçable.
Il faut franchir le pas comme au Bénin
Tout ceci à cause d’une disposition que les dirigeants africains hésitent à placer dans le texte constitutionnel. Laquelle disposition règle, à elle seule, le problème du nombre de mandats. Au Bénin, ce pas a été franchi lors de la révision de la Constitution du 11 décembre 1990, en 2019. L’article 42 de l’ancienne Constitution stipulait que « Le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels ». Le nouvel article 42 inscrit dans la nouvelle Constitution apporte une précision de taille : « Le président de la République est élu au suffrage universel direct, pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois. En aucun cas, nul ne peut, de sa vie, exercer plus de deux mandats de président de la République ».
Le groupe de mots « de sa vie » règle tous les problèmes. Car, avec cette restriction clairement indiquée, qu’il s’agisse d’une nouvelle République ou pas, la personne qui a été président de la République deux fois dans sa vie ne peut plus prétendre à cette fonction une troisième fois. C’est d’ailleurs en cela que l’ancien président de la Cour constitutionnelle du Bénin, le professeur Théodore Holo, indiquait que « le mandat n’est pas lié au nombre de Constitutions, mais le mandat est lié à la personne qui l’exerce. Et cette personne ne change pas avec la Constitution, étant donné qu’il a fait déjà un mandat. Même s’il change de Constitution, sa personne n’ayant pas changé, son deuxième mandat est la fin de sa limitation ».
Sur cette base, les Béninois savent déjà que 2026 est l’année de l’alternance au sommet de l’État. Même si là aussi, des griots ont commencé par emboucher la trompette du troisième mandat pour le Président Patrice Talon. Certainement que le successeur de Boni Yayi ne tombera pas dans le piège que ses prédécesseurs ont soigneusement évité.