Trois troupes africaines réinventent la danse à l’infini


Lecture 4 min.
arton14762

Tout est parti des Rencontres Chorégraphiques d’Afrique et de l’Océan Indien « Danse l’Afrique Danse ! ». En mai dernier, trois compagnies africaines de danse contemporaine ont conquis le jury, qui leur a offert une tournée internationale pour présenter leurs créations. A contre-courant des impressions classiques sur la danse contemporaine, ils partagent une dernière fois leur vision éclairée, optimiste et novatrice du monde ce mercredi, sur la scène de la Villette de Paris.

Accumulation de paradoxes, rapprochements improbables : la puissance et la faiblesse, la précision du geste et la perte d’équilibre, l’esseulement des êtres et leurs retrouvailles entrecroisées. Ndjila na Ndjila, création du chorégraphe DeLaVallet Bidiefono, transcende les clivages et mets à mal les idées reçues. Trois corps masculins tendus, qui prennent la pose tels des statues antiques. Des 23 minutes que durera la chorégraphie, ils ne bougeront pas d’un pouce. Dans un coin, quatre silhouettes se faufilent dans le noir, torches à la main. Elles cherchent leur chemin. Les corps en mouvement vont, en quête de l’autre. Dans une fluidité presque organique, les rencontres se font et se défont, les partenaires se mélangent et s’échappent dans une précision des déplacements à couper le souffle. De piétinements en envolées sensuelles stoppées net dans un pas cassé, l’ensemble parfait des danseurs revêt une étrange cohérence.

Mélange des styles

Le public est ébloui. Les professionnels de la danse venus soutenir leurs semblables n’en reviennent pas. Le degré de précision et le travail que l’on soupçonne en amont les laisse sans voix. Cette résurgence africaine, si éloignée des clichés, a de quoi dérouter l’observateur. Résolument contemporaine, cette pièce toute en couleurs et en nuances est un habile mélange des styles, une façon de dépasser les attentes.

La surprise continue avec la pièce suivante, qui commence dans une valse hésitation : un combat entre trois hommes qui se jaugent, s’étudient, se cherchent et s’évitent, se provoquent et reculent au dernier moment. On mesure le fossé qu’il y a entre eux et qu’ils hésitent à combler. Karohano, fruit de la rencontre des compagnies Inzalo DTC et Vahinala Company, raconte l’unité et la diversité de trois amis séparés entre deux cultures, sud-africaine et malgache, qui se retrouvent et échangent. Tant bien que mal.

Tout en eux exprime un florilège de sentiments, d’attaches, d’expressions et de regards humains. Tantôt deux contre un, tantôt au summum de leur ego dans un individualisme assumé, les trois amis finissent par se redécouvrir, par s’apprendre mutuellement et par développer une relation décomplexée et vidée (ou enrichie) de ses différences culturelles. La tension retombe et, sur des rythmes hip-hop, les mouvements fragiles et chaloupés des débuts se transforment en blocages déstructurés, en déhanchés provocants. Une sorte de jeu s’installe alors entre eux, un vaste cache-cache au milieu du public ponctué d’éclats de rires enfantins, suivi d’une ébauche de strip-tease pour le plus grand bonheur de l’assistance féminine, sous le charme…

« Je déteste les Africains, je ne suis pas Africain! »

Le personnage qui clôt le voyage est pour le moins déroutant. Kaolack, un soliste sénégalais revendicateur, exécute J’accuse !, une dénonciation de l’inconscience hypocrite des Africains sur leur situation. Il évoque les sans-papiers dans un décor épuré où seule la lumière projette sur la scène l’ombre d’une geôle. Lui, déchaîné, évolue dans un large rai de lumière, sorte de porte ouverte sur la liberté. « Je déteste les Africains, je ne suis pas Africain », hurle-t-il au beau milieu du public, pris à partie. Puisque, comme il l’explique, « on ne naît pas Africain, on le devient ».

La violence des mouvements et des paroles, parfois ponctuées de souffles bestiaux, place l’intervention de Kaolack dans une démarche de « résistance ouverte », qu’il traduit comme une manière d’interpeller de manière passive et positive. Le rythme accéléré de ses déplacements et la force du message véhiculé constituent un audacieux vecteur de la pensée de l’artiste. Entre distanciation et rapprochement, sur les accords effrénés d’un air de violon aux consonances orientales, la différence culturelle n’existe plus.

Pour les inconditionnels de la danse et les curieux de la nouveauté, la dernière représentation a lieu ce mercredi soir…

Informations pratiques :
La compagnie Baninga, la réunion d’Inzalo avec Vahinala et le solo Kaolack présentent leurs créations dans le cadre du festival Afrique[s], hébergé par la Grande Halle de La Villette à Paris jusqu’au 12 juillet.
Les trois troupes danseront ce mercredi pour la dernière fois avant de partir en tournée à travers le monde.

Rendez-vous à :

La Grande Halle de La Villette, nef Nord :

A 21h30

Plein Tarif : 12 €

Tarif réduit et Carte Villette : 9 €

Pour plus d’informations :

Le site de la Villette

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News