L’Initiative de Réforme Arabe (ARI) a présenté lundi, à Paris, son rapport sur l’évolution de la transition démocratique dans dix pays arabes, pour l’année 2008. Basé sur des critères internationaux, ce dernier est le fruit du travail effectué dans chaque pays par des institutions locales. Il mesure les moyens institutionnels mis en place en faveur de la démocratie, et les compare aux pratiques réelles, en affectant une note à chaque cas. Dix États arabes ont été évalués dans ce rapport, dont trois pays africains. Le Maroc devance l’Algérie et l’Égypte et arrive deuxième au classement général, juste derrière la Jordanie, et le Yémen est le dernier. La démocratie progresse dans peu de pays arabes.
Interview de Salam Kawakibi, senior researcher à l’ARI, basé à Paris Il a participé à la coordination et la mise en forme finale du rapport sur les réformes dans les pays arabes. Afrik.com : Comment les rapports de l’ARI sont-ils accueillis dans les pays arabes ? Afrik.com : Qu’est-ce qui selon vous garantit la crédibilité de ces rapports ? Afrik.com : pourquoi seulement trois pays arabes africains – l’Algérie, l’Égypte et le Maroc – sont-ils pris en compte ? Afrik.com : Est-ce à cause de ces difficultés que la Tunisie ne figure pas dans votre rapport ? Afrik.com : Globalement peut-on dire que la démocratie avance dans le monde arabe ? Afrik.com : Comment vos travaux sont-ils financés ? |
Le Maroc est le premier pays arabe sur le continent africain, en termes de passage vers des institutions démocratiques. C’est la conclusion à laquelle est parvenu l’Initiative de Réforme Arabe (ARI), une institution qui mesure les efforts d’évolution démocratique dans le monde arabe. L’’objectif de ce travail: « Influencer le processus de transition démocratique en fournissant à ses défenseurs issus du monde arabe un système qui leur permette d’en surveiller de près l’évolution, dans une perspective comparative et dans la durée », d’après la note de présentation de son dernier rapport, qui a été dévoilé lundi à Paris, lors d’une rencontre avec la presse.
Sur dix pays objets d’une étude couvrant la période de janvier à décembre 2008 dans dix pays arabes [[Yémen, Arabie Saoudite, Liban, Jordanie, Koweït, Palestine, Syrie, Maroc, Algérie, Égypte]] dont trois en terre africaine (Maroc, Égypte et Algérie), le Maroc termine deuxième au classement général juste derrière la Jordanie, tandis que l’Égypte occupe la troisième place, et l’Algérie, la cinquième.
Encore des efforts à faire
Le score obtenu par les trois pays africains signifie qu’ils ont non seulement adopté des textes positifs, mais aussi que la confrontation de ceux-ci avec les pratiques réelles de gouvernance permettent d’induire une progression ou une régression. L’Égypte par exemple, s’inscrit dans une démarche progressive : elle a gagné une marche par rapport à la précédente étude, celle de 2007, qui se limitait à huit pays, où elle occupait la quatrième place. « C’est la meilleure progression en terme de score juste après le Liban », lit-on dans le rapport. Idem pour l’Algérie qui est passée de septième sur huit à cinquième sur dix en l’espace d’un an.
Toutefois, bien que deuxième dans le classement actuel, le Maroc connaît une « légère baisse dans son total des points », les indicateurs comme le traitement des prisonniers, la liberté de réunion et de manifestation, et la sécurité des personnes ayant plombé sa progression. Pour autant, le royaume chérifien est en bonne voie. « Il y a quelques semaines, l’Union européenne et le Maroc ont célébré leur premier sommet. Le Maroc est en progression constante. Nous lui avons accordé un statut avancé qui se traduit par des droits privilégiés avec l’Union européenne », a commenté, lors de la présentation du rapport, Christian Jouret, Chef d’unité Task Force Moyen-Orient-Golfe Arabo-persique-Méditerranée, au Conseil de l’Union Européenne.
Cependant, beaucoup d’efforts restent à faire par les trois pays africains, s’ils souhaitent un jour être considérés comme de vraies démocraties. L’ARI observe en effet que de fortes disparités existent entre la volonté de réformer affichée par ces pays, et la situation réelle des droits de l’homme, gage de véritables avancées démocratiques. C’est pour cela qu’elle a formulé à leur égard plusieurs recommandations. Elle suggère ainsi au Maroc, entre autres, de consacrer davantage d’argent à son système éducatif, pour enrayer l’abandon de leurs études par les jeunes ; de permettre une plus libre expression de la presse d’opposition. Le roi gagnerait de son côté à déléguer davantage de pouvoirs au parlement et au gouvernement.
Six grandes recommandations sont faites à l’Égypte. Les principales sont le respect des droits et des libertés individuelles, la cessation des tracasseries et des tortures policières en croissance ces dernières années selon le rapport, et la liberté syndicale. Toutes ces recommandations s’appliquent aussi au cas algérien, où les autorités doivent en outre s’investir encore plus dans le financement de l’éducation, de la sécurité sociale, et s’atteler à diversifier l’économie de leur pays, qui actuellement repose presque exclusivement sur les rentes pétrolières.
Une initiative faite par les arabes pour les arabes
Lancée en 2005, l’Initiative Arabe de Réforme ou Arab Reform Initiative (ARI) est le fruit de la jonction en un même réseau de quatorze instituts de recherche indépendants. Elle comprend neuf centres de recherche implantés à travers le monde arabe (allant du Maroc au golfe Persique), quatre en Europe et un aux États-Unis. A travers un grand éventail d’activités et publications conduites en commun, l’ARI œuvre à stimuler les capacités arabes de recherche, articuler les visions du changement qui viennent de l’intérieur de la région pour mieux les faire entendre à l’extérieur, et encourager les débats publics dans le monde arabe et dans les pays concernés à divers titres, par les affaires de la région. Elle utilise comme personnes ressources des universitaires, des membres de la société civile, des statisticiens et des experts en sondages des pays enquêtés.
Dans sa méthode de travail, l’ARI utilise l’Index de démocratie arabe (IDA), qui n’est autre qu’une extension de l’expérience menée en Palestine, par deux instituts locaux, le Centre palestinien des études et recherches et le Centre palestinien des recherches politiques et générales. Pour évaluer l’évolution démocratique dans un pays, cet index prend en compte quarante critères. Un large éventail d’appareils de mesures reconnus sur le plan international, dans lequel on retrouve entre autre : l’observation de la séparation des pouvoirs, la liberté de la presse, l’indépendance de la justice et son accessibilité aux citoyens, la corruption, la liberté de manifester, la condition des prisonniers, les droits des femmes, l’éducation, la sécurité sociale et les garanties contre les tortures.
Les informations utilisées par l’ARI sont collectées aussi bien à travers les textes officiels des réformes entreprises par chaque pays, que de la collecte des données permettant d’évaluer la mise en application de ceux-ci, et des sondages d’opinion.