Transferts de fonds : une aubaine pour le développement


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La diaspora africaine représente 3,6 millions de personnes à travers le monde. Leurs transferts de fonds constituent, dans de nombreux pays africains, la deuxième source nationale de devises. Ils s’avèrent même parfois supérieurs à l’aide publique au développement. Le magazine onusien Afrique Renouveau fait le point sur la question et nous aide à mieux en cerner toute l’importance stratégique (extrait).

De notre partenaire Afrique Renouveau

Chaque jour des milliers d’Africains vivant à l’étranger font la queue dans des centres de transfert de fonds pour envoyer chez eux les quelques dollars qu’ils ont pu économiser. Une partie de ces sommes provenant des Etats-Unis, de l’Arabie Saoudite, de l’Allemagne, de la Belgique, de la Suisse et de la France – les principales sources des fonds envoyés aux pays en développement – est acheminée jusque dans les régions les plus rurales de l’Afrique. L’argent ainsi reçu pourra permettre d’envoyer un enfant à l’école, de construire une maison ou d’acheter de quoi nourrir ceux qui sont restés au pays.

Au fil des ans, la région de Kayes, au Mali, a bénéficié de tels transferts de fonds. D’après la Banque mondiale, l’argent envoyé par des Maliens vivant en France a contribué à la construction de 60 % des infrastructures. Environ 40 associations de Maliens émigrés en France ont apporté leur appui financier à près de 150 projets, dont la valeur totale sur 10 ans a été évaluée à 3 millions d’euros.

La plus grande partie des transferts n’est pas comptabilisée

Mais la plus grande partie des sommes qu’envoient chez eux les émigrés ne sont pas comptabilisées, et ne sont donc pas prises en compte dans les statistiques nationales de nombreux pays. Les planificateurs du développement accordent cependant de plus en plus d’importance au suivi de cet argent. Cela aidera les pouvoirs publics à essayer d’en faire une plus grande source de financement du développement et à mieux répartir cet argent dans des secteurs productifs.

Dans de nombreux pays du continent, les politiques et réglementations financières et monétaires font obstacle au transfert des fonds et à leur investissement efficace. “Dans un continent aussi pauvre en capitaux que l’Afrique, on ne peut ignorer cette source de revenus, indique Mills Soko, chercheur à l’Institute of International Affairs d’Afrique du Sud. En Afrique, elle ne reçoit pas l’attention qu’elle mérite.”

Un certain nombre de pays en développement, notamment le Brésil, le Mexique, l’Inde et les Philippines, ont adopté des mesures incitatives visant à canaliser ces transferts de fonds dans des comptes d’épargne et des fonds d’investissement locaux. D’après une société privée, Bannock Consulting, ces pays ont mis en place des plans d’épargne-retraite pour les émigrés, accordent des prêts à des taux préférentiels ou des aides aux entreprises créées grâce à des transferts de fonds et permettent aux immigrés récemment rentrés dans leur pays d’avoir accès à des capitaux. Ils bénéficient ainsi d’un grand nombre de citoyens vivant à l’étranger.

Une diaspora africaine de 3,6 millions de personnes

Trop souvent, les débats sur l’émigration mettent l’accent sur la fuite des compétences et de la main-d’œuvre des pays pauvres vers les pays riches. On estime à 3,6 millions le nombre d’Africains éparpillés dans le monde, certains ayant suivi une formation très poussée. Le départ de ces émigrés prive de compétences et de main d’œuvre des secteurs essentiels de l’économie. L’agriculture, secteur-clé dans de nombreux pays africains, a pâti de l’exode des zones rurales. En conséquence, les gouvernements africains s’efforcent souvent de décourager les migrations.

Le nombre de personnes vivant en dehors de leur pays d’origine n’a jamais été aussi élevé qu’aujourd’hui. En 2000, on estimait ce nombre à 175 millions de personnes dans le monde (soit un habitant de la planète sur 35). Avec la mondialisation, ces chiffres devraient augmenter de 2 à 3 % par an selon les prévisions. Les transferts de fonds sont l’occasion pour les pays en développement de bénéficier de leurs citoyens qui ont choisi de vivre et de travailler à l’étranger, au lieu de se concentrer sur les aspects négatifs de ces migrations.

La deuxième source de devises étrangères des pays en développement

Les envois de fonds correspondent à la part des revenus gagnés à l’étranger que les migrants rapatrient chez eux. Ces envois sont de deux types, selon qu’ils sont officiels ou non. Les transferts officiels passent par des banques, des organismes de transfert de fonds et parfois Internet. Les envois non-officiels se font par des amis ou les migrants eux-mêmes ou par le biais de réseaux traditionnels, qui dans certains pays ont pour nom hawala ou chiti et permettent de déposer auprès d’un intermédiaire dans un pays donné de l’argent qui sera retiré dans un autre pays auprès d’un associé.

S’élevant à 126 milliards de dollars en 2004, les envois de fonds constituent la deuxième source de devises étrangères des pays en développement. Cette même année, les flux d’investissements étrangers directs ont atteint 165 milliards de dollars et le montant total de l’aide publique au développement 79 milliards de dollars.

Depuis quelques années, les potentialités des transferts de fonds suscitent un intérêt croissant. Dans un rapport intitulé Global Development Finance 2005: Mobilizing Finance and Managing Vulnerability, la Banque mondiale considère que ces transferts de fonds constituent une source de plus en plus importante de financement du développement, qui, dans certains pays, dépasse l’aide publique au développement. “Les fonds envoyés dans les pays en développement par des émigrés travaillant à l’étranger, résidents ou non résidents ont augmenté, d’après les estimations, de 10 milliards de dollars (8 %) en 2004, pour atteindre 126 milliards de dollars”, indique la Banque. L’année précédente, ils avaient progressé de 17 milliards de dollars, cette hausse ayant en grande partie eu lieu dans les pays à faible revenu. La plupart des pays de destination sont des pays à revenu intermédiaire, mais les fonds transférés dans des pays pauvres jouent un rôle important par rapport au produit intérieur brut, note la Banque.

Cependant, les chiffres publiés par la Banque ne tiennent compte que des transferts de fonds officiels. Si l’on y ajoute les flux non-officiels, le montant total pourrait être 2,5 fois plus élevé. “Les flux passant par des voies informelles ne sont pas comptabilisés dans les statistiques officielles, mais l’on pense qu’ils sont très importants”, précise la Banque.

Le problème du taux de vente officiel des devises

(…) La principale raison en est qu’il y a un écart important entre le taux de vente officiel des devises étrangères et le taux du marché parallèle. [Des] pays africains ont trouvé des moyens de surmonter des problèmes [de cet] ordre. Constatant que les réseaux informels servaient à contourner une réglementation restrictive des transferts de devises, le Soudan a simplement dévalué sa monnaie. En conséquence, les clients jugent maintenant plus intéressants les taux de change officiels.

L’Ouganda a déréglementé son marché financier, notamment en autorisant des comptes en devises étrangères et en assouplissant les échanges de devises. Cela aurait eu pour effet d’accroître les transferts de fonds officiels. Mais de nombreux pays peuvent difficilement remédier à un problème dont ils n’ont pas conscience. Beaucoup de pays africains ne disposent d’aucune donnée quant à la nature ou au montant des flux qu’ils reçoivent. D’après la Banque mondiale, moins des deux tiers des pays africains font état de transferts de fonds. “Les flux passant par des réseaux informels ne sont pas du tout comptabilisés”, indique la Banque.

L’Egypte, le Maroc et le Nigeria en tête

Si les transferts de fonds en direction de l’ensemble des pays en développement ont plus que doublé dans les dix dernières années, ils ont peu progressé en Afrique, constate la Banque. Les transferts de fonds en direction de l’Afrique s’élevaient à 9 milliards de dollars en 1990 ; en 2003, ils avaient atteint 14 milliards de dollars, soit environ 15 % de l’ensemble des flux en direction des pays en développement. Au cours des dix dernières années, l’Egypte et le Maroc ont été les principaux bénéficiaires en Afrique et l’Afrique du Nord a reçu plus de 60 % du montant total des transferts.

En Afrique subsaharienne, le Nigeria est le principal pays bénéficiaire, recevant de 30 à 60 % des fonds envoyés dans la région. Bien qu’on ne dispose pas de statistiques officielles, les économistes estiment que les fonds que les Nigérians envoient dans leur pays depuis différentes régions du monde dépassent maintenant 1,3 milliard de dollars par an, constituant ainsi la deuxième source de devises étrangères pour le pays après les exportations de pétrole.

Dans certaines économies de plus petite taille, les fonds envoyés par les citoyens travaillant à l’étranger représentent une part importante du revenu national. Le Lesotho reçoit l’équivalent de 30 à 40 % de son produit intérieur brut (PIB) des travailleurs de l’étranger, vivant principalement en Afrique du Sud, pays voisin. D’après la Banque, en Erythrée, les transferts de fonds représentent 194 % de la valeur des exportations et 19 % du PIB. Pendant les années 1990, ces envois de fonds comblaient 80 % du déficit de la balance des paiements courants du Botswana (…)

Par Gumisai Mutume

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