
C’est une affaire peu commune qui attire l’attention de la justice kényane et de la communauté internationale : quatre personnes, dont deux jeunes Belges, comparaissent pour trafic illégal de fourmis reines, un crime considéré à la fois comme une atteinte à la biodiversité et un acte de biopiraterie. Le verdict, initialement attendu en avril, sera finalement rendu le 7 mai.
Entre enjeux écologiques et commerce d’animaux exotiques, ce procès met en lumière une nouvelle forme de trafic qui inquiète les autorités environnementales.
Une arrestation qui fait grand bruit
Tout commence le 5 avril, lorsque David Lornoy et Seppe Lodewijck, deux jeunes Belges âgés de 18 et 19 ans, sont arrêtés dans une pension près du lac Naivasha, en possession de 5 000 fourmis vivantes, notamment des Messor cephalotes, une espèce prisée des collectionneurs d’insectes. Les insectes étaient conservés dans plus de 2 200 tubes à essai garnis de coton. Cette méthode sophistiquée visait à assurer leur survie pendant plusieurs semaines, le temps d’un transport clandestin vers l’Europe ou l’Asie.
Un réseau bien rodé et internationalisé
Les deux Belges ne sont pas seuls dans cette affaire. Dennis Nganga, un Kényan, et Duh Hung Nguyen, un ressortissant vietnamien, ont également été arrêtés dans des conditions similaires. Eux détenaient plusieurs centaines de fourmis dans environ 140 tubes. Selon les autorités, tous faisaient partie d’un réseau impliqué dans un trafic croissant d’insectes rares à destination de marchés exotiques à forte valeur ajoutée. Le Kenya Wildlife Service (KWS) qualifie l’affaire d’« historique » et d’« acte de biopiraterie ». L’agence publique kényane chargée de la conservation de la nature souligne l’impact néfaste de ce type de trafic sur la biodiversité locale.
Un procès emblématique aux implications multiples
La justice kényane, par la voix de la magistrate Njeri Thuku, a repoussé le prononcé de la sentence au 7 mai, dans l’attente d’un rapport d’évaluation de l’impact écologique rédigé par le KWS. Ce document vise à démontrer comment l’exportation illégale de ces fourmis nuit aux intérêts souverains du pays et prive les communautés locales de retombées économiques et scientifiques majeures. Le procureur a aussi évoqué une « déclaration d’impact sur la victime » inédite. Il a souligné le caractère pionnier de ce procès dans la lutte contre la criminalité environnementale.
Des jeunes en quête d’exploration ou de profits ?
Les avocats de la défense, notamment ceux des jeunes Belges, plaident l’ignorance et la curiosité juvénile. Leur avocate, Halima Magairo, soutient que les deux jeunes Belges agissaient par ignorance et immaturité. Elle précise qu’ils n’avaient pas conscience de la gravité de leurs actes. Pourtant, face à une législation claire au Kenya qui interdit la possession de toute espèce sauvage sans permis, la loi ne fait guère de distinction. Les peines encourues sont lourdes : jusqu’à cinq ans de prison et 10 000 dollars d’amende.
Ce procès pourrait faire jurisprudence et impacter le trafic d’espèces méconnues mais essentielles. Alors que le braconnage des grands mammifères est en léger recul grâce aux efforts conjoints des États et des ONG, de nouveaux trafics émergent, plus discrets, mais tout aussi destructeurs. Le Kenya, en se montrant ferme, veut envoyer un message clair : sa biodiversité n’est pas à vendre.