L’arrestation de Bubo Na Tchuto et l’inculpation d’Antonio Indjai, deux personnalités politiques bissau-guinéennes impliquées dans une affaire de trafic de drogue par les autorités américaines, ravive depuis quelques jours les tensions entre Washington et Bissau. Ce dernier réclame l’extradition de Bubo Na Tchuto vers son pays d’origine. Les États-Unis font la sourde oreille. Joint par Afrik.com, Vincent Foucher, spécialiste de la Guinée Bissau, analyse la situation
La Guinée Bissau veut juger elle-même José Américo Bubo Na Tchuto et Antonio Indjai. Bubo Na tchuto, ex chef de Marine de Guinée Bissau, a été arrêté par les autorités américaines. Une arrestation annoncée le 6 avril dernier par les autorités Bissau-Guinéennes.
Les américains affirment l’avoir capturé dans les eaux internationales. Une information démentie par les autorités guinéennes. « Le contre-amiral Na Tchuto a été capturé de force dans nos eaux territoriales et conduit au Cap-Vert par des policiers américains, avant d’être emmené aux Etats-Unis le 5 avril », déclare le sous-lieutenant de vaisseau, Vasco Antonio Na Sia. Na Tchuto était déjà détenu au Cap-Vert, avant d’etre transféré vers les Etats-Unis.
Bubo Na Tchuto n’est pas le seul à avoir été arrêté. Six autres personnes ont été interpelées, selon le parquet de New York.
Quelques jours plus tard, une autre personnalité de l’Etat est inculpée par la justice américaine. Antonio Indjai, chef d’État-major des armées de Guinée Bissau, a été inculpé aux États-Unis, pour complot de narcoterrorisme avec les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC).
Que reproche-t-on réellement à Bubo Na Tchuto et Antonio Indjai ? Pourquoi les autorités américaines refusent-elles d’extrader Indjai vers son pays d’origine ? Qu’est-ce qui empêche le gouvernement bissau-guinéen de résoudre le problème du trafic de drogue dans ce pays ?
Vincent Foucher, chercheur à International Crisis Group et spécialiste de la Guinée Bissau, apporte des éléments de réponse.
Interrogé par Afrik.com sur les accusations qui pèsent contre Bubo Na Tchuto et Antonio Indjai, il répond : « ils sont accusés d’avoir conspiré pour organiser un trafic de cocaine entre l’Amérique Latine, l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Afrique. Des enregistrements ont été réalisés par les agents américains. Indjai est par ailleurs accusé d’avoir voulu organiser un tafic d’armes à destination des FARC. Il faut noter cependant que pour le moment les poursuites américaines portent seulement sur des intentions criminelles, et pas sur des actes criminels effectivement accomplis ».
Concernant le lieu de l’arrestation de Bubo Na Tchuto, Vincent Foucher note que deux versions s’opposent. Les autorités américaines affirment avoir capturé Na Tchuto dans le territoire national. Une information démentie par les autorités bissau-guinéennes qui déclarent que l’ex chef d’Etat-major de la Marine du pays a été arrêté sur les eaux territoriales. Ce qui pousse Bissau d’ailleurs à demander aux américains de le soumettre aux autorités bissau-guinéennes pour qu’il soit jugé dans son pays.
Une requête sur laquelle les Américains ne se sont pas encore prononcés. « Aucune déclaration n’a été faite par les autorités nord-américaines quant à cette requête. Je ne pense pas qu’ils y répondraient favorablement d’ailleurs », note Vincent Foucher.
Sur les difficultés pour les dirigeants de ce pays à résoudre le problème du trafic de drogue en Guinée Bissau, le chercheur souligne que tout indique que le trafic bénéficie de certaines complicités dans la classe politique et militaire. Quelques militaires subalternes et quelques trafiquants latino-américains, ont été arrétés, mais ils ont à chaque fois été libérés avant procès. Les seules condamnations prononcées ont visé des petits trafiquants, des mules. Entre la faiblesse de leurs ressources, l’implication de certains d’entre eux, la corruption et les menaces, les juges et policiers ont bien du mal à faire leur travail.