
Un hôpital de l’ouest du Kenya est accusé d’être le pivot d’un vaste réseau de trafic d’organes. Situé à Eldoret, l’établissement Mediheal aurait accueilli des receveurs étrangers pour des greffes rénales obtenues illégalement, au détriment de donneurs kenyans vulnérables.
Une enquête internationale menée par plusieurs médias allemands a mis au jour les rouages d’un système cynique. Celui-ci exploite la misère des jeunes locaux pour répondre à la demande internationale. L’affaire fait grand bruit au Kenya, où les autorités ont immédiatement réagi.
Une enquête-choc qui met le feu aux poudres
Tout part du témoignage bouleversant d’un jeune kényan, Amon Kipruto Mely. Âgé de 22 ans, ce dernier révèle avoir vendu son rein pour 4 000 dollars dans le but d’échapper à la pauvreté dans laquelle il vivait depuis la pandémie. Il a été conduit à l’hôpital Mediheal par un intermédiaire, sans comprendre les documents qu’on lui faisait signer. Depuis, son état de santé s’est dégradé, et son histoire, relayée par Deutsche Welle, Der Spiegel et la chaîne ZDF, a révélé une chaîne bien huilée de trafic d’organes transnationaux.
Les organes prélevés au Kenya sont ensuite greffés à des patients étrangers. Ceux-ci sont principalement originaires d’Allemagne, d’Israël ou de Russie, contre des sommes allant jusqu’à 200 000 dollars. Des greffes exécutées à l’abri des regards, souvent sans vérifier les liens de parenté entre donneurs et receveurs, comme l’exige pourtant la législation kényane.
Les autorités kényanes prennent des mesures en urgence
Face au tollé suscité par les révélations, le ministre de la Santé du Kenya a ordonné la suspension immédiate de toutes les greffes de reins au sein de l’hôpital Mediheal. Un comité d’experts a été mandaté pour auditer toutes les transplantations réalisées sur les cinq dernières années. Selon les premiers éléments d’une enquête gouvernementale menée dès 2023, plusieurs incohérences avaient déjà été détectées, notamment des documents falsifiés, des liens familiaux fictifs et des signatures répétitives.
De son côté, la direction de l’hôpital dément toute implication dans un quelconque trafic. La vice-présidente de Mediheal affirme que toutes les procédures sont conformes à la loi. Pourtant, les témoignages et les preuves recueillies par les médias allemands brossent un tout autre tableau.
Des donneurs appâtés, exploités puis recrutés à leur tour
Ce qui frappe dans cette affaire, c’est l’exploitation systématique de jeunes hommes vulnérables. À Oyugis, à 180 kilomètres d’Eldoret, des dizaines de jeunes disent avoir vendu leur rein pour à peine 2 000 dollars. Après l’opération, certains ont même reçu des incitations financières pour recruter d’autres donneurs. Une logique de pyramide perverse s’est installée, transformant progressivement les victimes en recruteurs malgré eux.
Ce scandale apparaît comme l’un des plus graves de la région en matière de santé publique et de droits humains. Les conséquences sur la santé physique et mentale des donneurs s’annoncent dramatiques, avec un impact profond et durable sur une génération entière de jeunes hommes kényans.
Un marché mondialisé nourri par la pénurie d’organes
Au cœur de cette mécanique, une entreprise : MedLead. Officiellement, elle se présente comme une simple agence de facilitation de dons. En réalité, elle joue un rôle central dans le fonctionnement du réseau. Son fondateur, l’Israélien Robert Shpolanski, a déjà organisé des transplantations illégales dans plusieurs pays d’Asie, selon la justice. MedLead affirme que tous les dons sont « 100 % altruistes », mais ses activités soulèvent de lourds soupçons.
La pénurie de donneurs en Allemagne, où la loi interdit toute rémunération pour un don d’organe, pousse certains patients à se tourner vers l’étranger. Certains déboursent jusqu’à 200 000 dollars pour une greffe, notamment à Eldoret, souvent dans des conditions opaques.
L’enquête avance, et tous les regards se tournent vers Nairobi. Le gouvernement kényan agira-t-il pour garantir la transparence et rendre justice ? Ou laissera-t-il ce scandale s’éteindre comme tant d’autres, sans réponse pour ceux dont les corps ont été mutilés et l’espoir brisé ?