L’Abbaye de Daoulas organise la plus importante exposition jamais consacrée au vaudou en France. Une façon de battre en brèche les clichés collés à ce culte animiste haïtien qui fascine et effraie à la fois. Histoire, mythes, signification, art… le vaudou est ici analysé et montré sous toutes ses formes. Passionnant.
Savez-vous ce qu’est le vaudou ? Si vous pensez n’avoir que des clichés en tête à propos de ce culte animiste haïtien, allez faire un tour du côte de l’Abbaye de Daoulas, en Bretagne (France). Jusqu’au 11 janvier 2004, elle propose en effet l’exposition la plus importante jamais organisée en France sur ce thème, sobrement intitulée Vaudou. La qualité des pièces rassemblées le dispute à la quantité. Affiches, peintures, documents d’archives, sculptures et objets emblématiques…
« Le vaudou fascine, le vaudou fait peur », explique Michel Le Bris dans l’introduction du superbe hors-série du magazine L’Œil consacré à l’exposition. « Peu de mots sont chargés d’autant de mystères que celui-là, épouvante et séduction mêlées »… Vaudou s’attache justement à rendre ses lettres de noblesse à cette religion vivante, malmenée par les « maîtres » blancs. Ce n’est ni un culte satanique à combattre, ni un simple folklore, semble-t-elle vouloir montrer. C’est une spiritualité en action, un certain rapport à l’invisible et au monde où l’art déploie ses pleines puissances.
« Surréalisme en action »
Le vaudou est né en Afrique, emporté ensuite par les esclaves déracinés, notamment à Haïti, l’île qui reçoit tous les proscrits. Ceux-ci y débarquent avec une structure de pensée qui va leur permettre de tenir sur place. Une religion nouvelle qui bien vite sert de support au désir de liberté et d’affranchissement de la communauté réduite en esclavage. Désir qui mène à l’insurrection générale, en 1791, portant Toussaint Louverture au pouvoir. L’aspect historique de l’exposition laisse ensuite la place aux principes fondateurs du vaudou et à l’art qui s’en inspire.
Ainsi, les loa sont les esprits habitant chaque chose, les intermédiaires entre le monde et les hommes, des personnages familiers que l’on convoque à travers des rites qui donnent lieu aux fameux phénomènes de possession. Le vaudou est composé de trois rites, qui correspondent aux trois grands panthéons que l’on trouvait au Dahomey (Bénin). Le rite Rada, rite central, le plus prestigieux, où se retrouvent les grands Dieux d’origine dahoméenne et yoruba, qui exalte le côté lumineux de l’homme et de la vie, l’action bienfaisante du spirituel. Le rite Congo, qui rassemble les loa importés d’Afrique centrale d’origine bantoue et qui a une dimension festive. Le rite Pétro, le plus hybride, d’origine créole (donc élaboré dans la colonie) qui prend en charge le côté obscur de l’homme et de la vie, l’action ambiguë du spirituel. C’est le panthéon de la révolte des esclaves, du sang et de la guerre. L’exposition permet aussi de découvrir les artistes, peintres et forgerons, inspirés par le vaudou, qui impressionnèrent dans les années 50 André Malraux ou encore André Breton qui voyait dans leurs représentations du vaudou, « le surréalisme en action ».
Vaudou, Abbaye de Daoulas, 27 juin 2003-11 janvier 2004.