Aya de Yopougon : « Il n’y aura pas de tome 7 »


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Marguerite Oubouet et Clément Oubrerie ont mis deux ans à adapter leur bande dessinée, Aya de Yopougon, au cinéma. A l’occasion de la sortie du film ce mercredi, les deux auteurs confient à Afrik.com le long cheminement qu’il a fallu pour que l’héroïne de Yop city puisse voir le jour sur grand écran. Entretien.

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Afrik.com : L’adaptation de votre œuvre au cinéma est-ce l’aboutissement d’un long projet pour vous?

Marguerite Abouet :
Oui bien sûr. Déjà que ce n’est pas facile de faire un livre alors l’adapter au cinéma c’est une toute autre affaire. On est très content que le film soit projeté dans une centaine de salles en France avec la participation d’acteurs de talent.

Afrik.com : Cela n’a-t-il pas été trop rude de passer de la BD au cinéma ?

Clément Oubrerie :
Trop rude non. C’était quand même avant tout un plaisir de travailler sur ce projet. Le plus difficile a été de coordonner le travail entre tous ceux qui participaient à la conception du film. Nous étions un peu les chefs d’orchestre, c’est nous qui donnions les grandes orientations.

Afrik.com : Comment avez-vous choisi les acteurs?

Marguerite Abouet :
Le choix des acteurs s’est fait naturellement. Je voulais avant tout faire travailler les acteurs africains qui vivent en France. Dès le départ, je savais quels acteurs incarneraient les personnages principaux. Je suis allée à leur rencontre pour leur proposer de participer au projet.

Afrik.com : Beaucoup se demandent pourquoi vous n’avez pas été en Côte d’Ivoire pour effectuer les doublages afin que l’accent ivoirien soit bien interprété ?

Marguerite Abouet :
Encore une fois, je le redis, je suis née à Abidjan, dans le quartier de Yopougon. C’est un endroit où j’ai côtoyé différentes ethnies et nationalités. Ivoiriens, Maliens, Ghanéens, Burkinabè… se côtoyaient au quotidien. Donc ça ne m’intéressait pas que les acteurs aient un accent typiquement ivoirien. Le film reflète cela aussi. Il y a des acteurs camerounais, burkinabè, maliens… Tous ceux qui ont travaillé à la conception du film l’ont fait avec beaucoup d’enthousiasme. Peu importe le format, ce que j’apprécie c’est raconter des histories et travailler avec les gens. Quand on est bien entouré, ça se passe forcément bien. Moi je veux faire des projets sur toute l’Afrique, pas seulement en Côte d’Ivoire. Mon but est d’y créer plusieurs bibliothèques. Il y en a une grande que j’ai mise sur pied à Abidjan et deux à Dakar. Mais je veux aussi en créer au Togo, Burkina Faso, Mali…

Afrik.com : Pourquoi avez-vous tenu à introduire dans le film des publicités réelles datant des années 70 ?

Clément Oubrerie :
C’est un repère qui donne une ligne directrice au spectateur pour lui signifier qu’on est dans les années 70. Et que l’histoire qu’il regarde, il faut la voir comme cette publicité. C’est léger, c’est gai, c’est frais, c’est le plan du film. S’il n’y aurait pas eu ces publicités, on ne serait pas où se situer, si c’est aujourd’hui, avant ou après.

Afrik.com : C’était important pour vous d’introduire dans le film des musiques phares des années 70?

Marguerite Abouet :
Oui c’était important qu’il y ait cette dimension musicale dans le film, qui crée un sentiment nostalgique. Ce sont des musiques qu’on aime forcément, car on a baigné dans cette ambiance. Ces musiques font partie de la période de mon enfance. Tous ces grands chanteurs de l’époque tenaient régulièrement des concerts dans les clubs et beaucoup se rencontraient à ces endroits-là et se mariaient par la suite. Si je n’avais pas introduit ces musiques, j’aurais trahi l’histoire.

Afrik.com : Comment expliquez-vous le succès de la BD qui est apprécié par toutes les générations ?

Clément Oubrerie :
Les thèmes qu’on aborde sont toujours d’actualité. On parle des tracas des jeunes filles à travers les aventures d’Aya et de ses copines, mais on aborde aussi les problèmes des adultes, des mamans, pères de famille, du voisinage. On a rempli une niche qui était vide. On raconte l’Afrique de manière ni pédagogique ni moralisatrice. On raconte une histoire simple qui parle du quotidien et à partir de là, tout le monde peut s’y retrouver. La BD n’est pas encore développée en Afrique. Il y en a, mais elles parlent souvent de drames, tandis que là, l’histoire est plaisante, les dialogues sont rigolos. On est dans une fiction qui attise la curiosité des lecteurs qui veulent toujours savoir la suite de l’histoire. Tout cela d’ailleurs nous a convaincu qu’on pouvait faire un bon film. Les personnages sont nombreux, avec chacun d’entre eux une personnalité qui leur est bien propre. Pour m’y retrouver et aider le lecteur à y voir claire, j’ai dû utiliser des codes couleurs.

Afrik.com : Est-ce qu’Aya reflète une partie de votre enfance?

Marguerite Oubouet :
Je dirais que c’est le regard d’une enfant qui a été arrachée à son pays. J’avais besoin de raconter mon histoire, mon souvenir heureux de la Côte d’Ivoire, avant que je ne vienne en France avec mes parents, à l’âge de dix ans. J’en ai voulu à mes parents par rapport à cela. J’avais donc besoin de raconter cette Côte d’Ivoire où j’ai vécu une enfance heureuse pour ne pas oublier. Je raconte l’Afrique urbaine, où tout le monde peut s’y retrouver. On est en immersion totale dans un quartier où l’on vit en temps réel le quotidien des personnages.

Afrik.com : Pourquoi est-ce qu’il n’y aura pas de tome 7?

Clément Oubrerie :
Il n’y aura pas de tome 7 car on a toujours fait ça pour le plaisir. Donc au bout de six livres qui font chacun une centaine de page et un film qui a mis deux ans à sortir, on est un peu épuisé à la longue. Si un jour ça nous prend, on écrira une suite. Le jour où on sortira un album, il faudra qu’on en ait envie. Les lecteurs ne sont pas des tiroirs-caisses et si on sort quelque chose sans en avoir envie, ce sera mauvais ! Et on ne veut pas vendre n’importe quoi aux lecteurs. Je pense qu’on a fait le tour. C’est une page qui se referme. Moi je suis déjà sur un projet d’une nouvelle bande dessinée et Marguerite sur un projet d’adaptation au cinéma de la série Bienvenue. On a laissé libre à chaque lecteur d’imaginer la suite. Aya rentre à l’université. Elle va poursuivre son chemin.

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