Les premières journées » Images du Sud « , organisées les 19 et 20 juin par RFO (Réseau France Outre-mer), permettront aux professionnels de l’audiovisuel de débattre de la place des images du Sud dans les pays développés. Et surtout de se pencher sur la nécessité d’une télévision métissée et ouverte.
Les journées » Images du Sud » ont ouvert leurs portes mardi 19 juin à l’Unesco, à Paris. Pendant deux jours, des professionnels de l’audiovisuel, qu’ils soient du Nord ou du Sud, vont se rencontrer pour débattre, échanger leurs points de vue et faire émerger les idées qui construirons une télévision nouvelle. Une télévision capable de promouvoir la diversité culturelle et de valoriser les productions audiovisuelles du Sud, sous-représentées dans le Nord.
L’ambition affichée : augmenter » le flux de mots et d’images du Sud vers le Nord « , comme l’a énoncé dans un discours inaugural Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie. » L’Afrique apparaissant comme le continent le mieux à même de relever ce défi de la diversité culturelle, principe essentiel de notre action « , a-t-il ajouté.
Regard du Nord sur le Sud
Force est de constater, en effet, la difficulté du Sud à faire passer ses images au Nord et, comme le regrette Daniel Maximin, poète et romancier antillais, la différence entre l’offre du Sud et la demande du Nord en matière d’images. » On demande au Sud d’être beau. Or, ce dernier veut montrer qu’il n’est pas que géographie mais qu’il est histoire aussi. Nous, les Suds, ne devons pas être fournisseurs de suppléments d’images et de beauté. »
Un propos repris par le constat doux-amer de Luc Laventure, directeur des Antennes de RFO. » Les images du Sud qui intéressent le Nord sont celles qui nourrissent notre imaginaire collectif. L’esthétisme est prépondérante et l’on ne parle que du Sud récent, comme si ce dernier n’existait pas avant d’être découvert par le Nord. Le Sud reste bien souvent un cadre géographique et historique qui permet de mettre en scène le Nord. Le Sud est vu à travers le regard du Nord, y compris dans le domaine scientifique. On ne parle jamais des avancées médicales réalisées au Sud par exemple « , explique-t-il.
Métier à métisser
RFO, organisatrice des journées, a pour mission de mettre en valeur les images du Sud et de développer cette diversité culturelle. » Nous touchons d’une manière concrète, pratique, quotidienne, la difficulté de faire entendre les voix diverses des Suds. Notre ambition est de voir dans quelle mesure on peut essayer de construire une télévision originale, une vraie télé du Sud où personne n’essaie d’envahir autrui ou d’imposer quelque-chose à l’autre « , assure Luc Laventure.
Emergence de nouveaux publics
L’après-midi de cette première journée a été consacrée à l’émergence de nouvelles pratiques audiovisuelles et de nouvelles attentes de la part du public, décrit comme » en mutation, en évolution « , par Olivier Zegna Rata, directeur du développement d’Afrik.com, qui dressa un tableau des » publics des images du Sud « , mettant en évidence deux phénomènes nouveaux : la cristallisation d’un public communautaire lié aux besoins de reconnaissance identitaire de la deuxième ou de la troisième génération issue de l’immigration en provenance du Sud,
et le développement d’un public transversal appartenant à toutes les communautés et désireux de mieux connaître pour mieux les comprendre, les diverses composantes de la population française -développement sensible dans toutes les disciplines de création et particulièrement attendue de la télévision. Enfin, il conclut son intervention sur la force créatrice nouvelle, née du métissage et de l’apport des cultures et des tempéraments du sud, que pourrait utiliser la production française en s’acceptant comme riche de toute sa diversité, pour rayonner sur l’ensemble de la production européenne, à l’heure où la mondialisation va imposer une création audiovisuelle plurielle et métissée.
Pour que la télévision devienne un vrai » métier à métisser » – pour reprendre l’expression de l’écrivain René Depestre -, il reste du chemin à parcourir. La télévision française, par exemple, n’a pas certes pas encore les couleurs de sa société, même si cette évolution a débuté. Le Nord dans son entier doit relever le défi de mettre en adéquation les discours républicains des politiques et la fabrication d’une télévision qui donne sa chance à tous et qui se renforce par la multiplicité des apports qui l’alimentent.