Applicables depuis le début du mois de janvier, les nouvelles dispositions sur les attestations d’accueil des étrangers en visite en France montrent la face “ dure ” de la loi Sarkozy sur l’immigration. Le candidat au voyage et son hôte sont soumis à des garanties matérielles et financières dissuasives.
Par Valentine Lescot
France terre d’accueil ? Il est décidément de plus en plus difficile pour un Africain de venir visiter sa famille ou ses amis habitant l’Hexagone. Idem pour un Français désireux d’inviter un Africain chez lui. Avec les nouvelles mesures relatives aux conditions d’entrée des étrangers dans le cadre d’un séjour touristique en France, en vigueurs depuis le début de l’année par décision préfectorale, l’hébergeant devra montrer patte blanche face aux autorités municipales françaises qui délivrent les attestations d’accueil. Le dispositif, issu de la loi du 26 novembre 2003 sur l’immigration, appelée communément “ Loi Sarkozy ”, a été validé par décret le 17 novembre dernier.
Jusqu’à présent, le résident en France n’avait qu’à fournir à la mairie de sa commune un certificat précisant son identité, son adresse, le nombre de personnes qu’il souhaitait accueillir, la durée de leur séjour et un justificatif de domicile. Il devait par ailleurs prouver qu’il possède une surface de 14 m2 pour son hôte. En plus de toutes ces modalités, l’hébergeant doit maintenant s’engager à prendre son invité en charge pendant toute la durée de son séjour, sur un montant minimum de 42 euros par jour. Il lui sera demandé ses trois dernières fiches de paye ou un avis d’imposition prouvant sa solvabilité. Ici, l’objectif est clair : il s’agit d’éviter le recours au travail clandestin et le maintien irrégulier de la personne sur le territoire au-delà de son séjour. Autre nouveauté : la taxe de 15 euros payable à l’Office des migrations internationales par le résident et exigible pour chaque personne à héberger.
Plafond de 30 000 euros obligatoire pour l’assurance
Quant au demandeur, la loi l’oblige désormais à contracter une assurance en cas de dépenses médicales et hospitalières en France, avec un minimum de garantie de 30 000 euros. Problème : avec un plafond aussi élevé, l’assurance risque de coûter cher. Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi, la compagnie d’assurance Generali proposait des assurances sur 3 mois pour 358 euros et couvrant de 4 500 euros à 9 000 euros de frais. Actuellement, la compagnie n’a pas l’intention de sortir un produit conforme au nouveau dispositif car “ la clientèle n’est pas assez nombreuse ”.
Au groupe Axa, implanté sur le contient africain, on attend toujours la sortie d’un autre produit. Chez eux, une assurance pour 3 mois coûtait 198 euros avec une garantie limitée à 7 500 euros. “ Ces mesures vont être complètement dissuasives pour les Africains qui voudront venir en France ”, conclut le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) à Paris. Les candidats au visa doivent déjà débourser 30 à 50 euros pour l’obtention de l’assurance, présenter le billet d’avion ainsi qu’une certaine somme d’argent aux autorités consulaires françaises.
Le Maire dispose d’une marge de manœuvre
La mairie du 20ème arrondissement à Paris, où résident de nombreux immigrés, compterait entre 100 et 200 demandes d’hébergement de moins qu’en janvier 2004. “ Les gens râlent surtout sur le nombre de documents à fournir, ce qui engendre des retards. Mais la question des ressources de l’hébergeant est problématique. La politique de la mairie est d’appliquer des critères moins stricts que ceux demandés. Par exemple, nous demandons au minimum 10 000 euros de ressources annuelles au résident. Nous avons même traité des dossiers avec des revenus inférieurs ”, explique un agent du Bureau des affaires générales de la mairie.
“ La mairie de Paris avait envoyé comme consigne de ne pas inclure dans les revenus ceux issus de la Caisse d’allocation familiale (CAF), ce que nous faisons quand même pour élever le barème. Jusqu’à l’application du nouveau dispositif, nous n’avons jamais refusé un dossier. Aujourd’hui, certains risquent d’être renvoyés pour des problèmes de surface et de revenus trop peu importants. Nous sommes obligés d’appliquer la loi. Cependant le maire garde une liberté de manœuvre quant à l’acceptation ou non de l’attestation ”, ajoute l’agent. L’issue des dossiers dépend donc beaucoup de l’élu, de ses choix politiques ou de ses opinions. Mais un recours est possible auprès du Préfet dans les deux mois suivant le refus.
Seules deux catégories de personnes pourront être dispensées du justificatif d’hébergement : les étrangers souhaitant faire un séjour en France à caractère humanitaire ou d’échange culturel. Et ceux qui doivent s’y rendre pour des raisons médicales ou pour les obsèques d’un proche. Par ailleurs, il est désormais possible de s’y prendre un an à l’avance, au lieu de six mois auparavant, pour faire une demande d’attestation d’hébergement.