Dans un rapport rendu public ce lundi, Amnesty International accuse ouvertement le Département du renseignement et de la sécurité algérien (DRS) « d’actes de torture » sur des personnes soupçonnées de terrorisme. L’organisation britannique de défense des droits humains, se basant sur l’analyse de cas concrets, affirme que la « guerre contre le terrorisme » sert de prétexte aux services secrets algériens.
Vitraulle Mboungou
« Les coups, les décharges électriques et l’ingestion forcée d’eau sale, d’urine ou de produits chimiques font partie des nombreuses méthodes que les forces de sécurité algériennes continuent à utiliser en bénéficiant d’un impunité constante », déclare Amnesty International dans un rapport
publié ce lundi. L’organisation révèle, en s’appuyant sur plusieurs témoignages recueillis entre 2002 et 2006, que les services secrets algériens, plus connus sous le nom de Département du renseignement et de la sécurité (DRS), se cachent derrière la politique anti-terroriste du gouvernement pour « perpétuer les actes de torture et autres mauvais traitements » sur des personnes soupçonnées d’implication dans les activités terroristes.
Théoriquement, les membres du DRS ont un statut militaire selon le droit algérien, mais ils doivent agir sous l’autorité du procureur général lorsqu’ils arrêtent un suspect et le placent en détention. Seulement en réalité, « aucune institution civile n’exerce de surveillance réelle sur les pratiques du DRS », note l’ONG. Pire, « les procureurs ne seraient fréquemment pas informés des arrestations auxquelles procède le DRS », insiste-t-elle. Beaucoup des détenus échappent ainsi au contrôle de la justice. Et, une fois arrêtés, ils n’ont droit à aucun contact avec le monde extérieur, ni avec un avocat, ni avec un médecin indépendant, encore moins avec leur famille. « Les garanties du droit international et algérien relatives à la protection des détenus sont régulièrement bafouées », conclut Amnesty International.
Mémorandum au Président Bouteflika
En avril dernier, l’organisation a saisi le Président algérien, Abdelaziz Bouteflika, afin qu’il prenne « des mesures efficaces pour mettre un terme à la torture et à la détention en secret de suspects présumés de terrorisme ». Dans un mémorandum envoyé au Président, elle a fourni pour la première fois des informations détaillées établies sur les accusations avancées. Elle s’est également inquiétée du fait que la loi d’amnistie, votée en février 2006, prévoit l’impunité aux agents du DRS pour les crimes de droit international, y compris les actes de torture.
Amnesty a alors demandé au chef d’Etat algérien de « restreindre les pouvoirs du DRS et d’instituer une surveillance civile efficace de toutes les détentions », pour mettre fin à la détention des suspects dans des lieux non officiels, et de faire en sorte que toute personne responsable d’actes de torture ou de mauvais traitements infligés à des détenus soit traduite sans délai en justice. « Les autorités doivent parvenir à rompre avec un sinistre passé en veillant à ce que les auteurs d’actes de torture soient punis », a-t-elle recommandé. Elle a aussi conseillé de modifier la législation « pour que toute personne mise en détention ait la possibilité de consulter un avocat dans les plus brefs délais ».
Dans ce dernier rapport, Amnesty demande également aux gouvernements occidentaux de cesser les renvois forcés en Algérie de personnes qui risquent de subir des actes de tortures et surtout de veiller à ce que des suspects incarcérés dans le pays à la suite de leur demande, ne le soient pas par le DRS. En effet, selon l’organisation de défense des droits humains, de nombreux Algériens soupçonnés de terrorisme ont été renvoyés de force en Algérie par des pays comme l’Espagne, la France, l’Italie et les Pays-Bas, où ils ont été arrêté et détenus par le DRS. Le Royaume-Uni a même cherché à conclure un accord selon lequel les ressortissants algériens pourraient être renvoyés contre leur gré, en vertu « d’assurances diplomatiques » garantissant qu’ils ne seraient pas torturés.