Le Conseil d’État français a rejeté l’interdiction totale des importations de produits agricoles du Sahara occidental mais il a confirmé l’obligation de mentionner explicitement leur origine, distincte du Maroc. Cette décision s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence européenne et ajoute des arguments allant vers une interdiction totale des exportation de produit venant du Sahara occidental par le Maroc.
Le Conseil d’État français, dans une décision publiée le 28 janvier 2025, a rejeté la requête de la Confédération paysanne visant à interdire l’importation de tomates cerises et de melons charentais cultivés au Sahara occidental et étiquetés comme originaires du Maroc. Sans se prononcer sur le bien fondé de cette interdiction, la haute juridiction administrative a conclu que l’interdiction unilatérale d’importation ne relevait pas des compétences de la France mais de celles de l’Europe. Mais dans le même temps, le Conseil d’Etat s’est appuyé sur l’arrêt C-399/22 de la CJUE qui impose une mention explicite « Sahara occidental » sur l’étiquetage, ce territoire étant indépendant au regard du droit international.
Une concurrence déloyale dénoncée pou enjeu économique majeur
L’ampleur des importations européennes est considérable : en 2022, les exportations du Sahara occidental vers l’Union européenne ont atteint 203 000 tonnes, dont une part significative de produits agricoles évalués à 85,6 millions d’euros, principalement des tomates et des melons. Cette production massive, qui a bondi de 73,5% depuis 2016, provient notamment de gigantesques exploitations agricoles établies à Dakhla, contrôlées par seulement cinq grands groupes, dont certains proches du roi ou d’anciens ministres dénoncent les syndicats espagnols.
Les syndicats agricoles espagnols et français dénoncent vivement cette situation. En Espagne, le COAG (Coordination des Organisations Agricoles et d’Élevage) pointe du doigt ce qu’il qualifie de « pillage » des ressources sahraouies, réalisé au détriment tant des producteurs européens que de la population locale. Cette concurrence est d’autant plus problématique que l’étiquetage trompeur « Maroc » a longtemps masqué la véritable origine des produits.
Vers une remise en cause totale des importations européennes ?
La décision du Conseil d’État français, bien qu’elle confirme et applique la jurisprudence européenne sur l’étiquetage, constitue une première étape vers des mesures plus strictes. La mobilisation croissante des syndicats agricoles européens, conjuguée aux récentes décisions de la CJUE remettant en cause la légalité des accords commerciaux UE-Maroc, laisse présager à moyen terme une interdiction totale des exportations de produits agricoles et halieutiques originaires du Sahara occidental.
Cette perspective est d’autant plus probable que la Cour exige désormais le consentement explicite du peuple sahraoui pour toute exploitation des ressources issues de son territoire. Une condition impossible à satisfaire dans le contexte actuel ou le pays reste considéré par l’ONU comme un territoire à décoloniser.