Suite à une nouvelle hausse du prix du carburant, les taximen et les conducteurs de taximotos font grève à Lomé. Les manifestations ont été violemment réprimées mardi par les forces de l’ordre faisant au moins un mort et plusieurs blessés par balles. Le mouvement se poursuit ce mercredi dans la capitale togolaise.
Le calme n’est pas encore revenu ce mercredi matin à Lomé. La veille, une grève très suivie a réuni conducteurs de taximotos (ou zémidjans) et taximen dans les rues de la capitale du Togo. Ils entendaient dénoncer une nouvelle hausse du prix des carburants – la deuxième en moins d’un an – effective depuis vendredi minuit. Désormais, il faut débourser 580 F CFA pour un litre contre 505 FCFA précédemment pour s’approvisionner en super sans plomb. Le gasoil, lui, coûte 575 F CFA contre 500 FCFA auparavant. Quant au pétrole lampant, il est passé de 390 à 475 F CFA le litre. Seul le gaz butane n’a pas augmenté.
Mardi, le mouvement a débuté vers 6 heures dans toute la ville. Résultat : rues bloquées et des Togolais empêchés de se rendre au travail. À chaque coin de rue, des files de taxis à l’arrêt partout, mais impossible d’emprunter l’un d’eux. Seuls certains zémidjans, « emmène-moi vite » en langue fon, assurent encore les déplacements de leurs concitoyens. « Quand est ce que cela va changer au Togo ? », se plaint un zémidjan après avoir dépassé un attroupement de policiers stationnés près d’une station d’essence. « Avant, je pouvais gagner jusqu’à 2000 F CFA avec un litre. Avec cette nouvelle augmentation, je ne fais plus que 1500 F CFA avant de devoir reprendre du carburant. Les routes ne sont mêmes pas en bon état et cela abîme nos véhicules sans compter que certains quartiers ont encore les pieds dans l’eau jusqu’à présent », ajoute-t-il.
A Lomé, cette nouvelle hausse alimente toutes les conversations. L’absence de plan d’accompagnement pour aider les Togolais à faire face à cette hausse est le principal reproche fait au gouvernement. La plupart craint une flambée des prix. Les tarifs des déplacements ont déjà suivi les prix à la pompe. Pourtant, les moyens de transport les plus courus et les plus économiques restent le taximoto et le taxi. Les
transports en commun (les bus) sont quasiment inexistants à Lomé.
Le Togo n’a plus les moyens de poursuivre sa « politique de subvention »
En réponse à ces blocages, des policiers ont été déployés mardi dans les principaux quartiers notamment à Casablanca, Bé, Agoé, Hanoukopé ou encore à Adidogomé. Les deux derniers sont encore inondés par les récentes pluies diluviennes. A Adidogomé, durant plus de trente minutes, un face à face entre forces de l’ordre et manifestants a paralysé l’une des rues du quartier. Les jets de pierres répondant aux jets de grenades lacrymogènes. Les policiers ont procédé à plusieurs arrestations. « Ils ont frappés des manifestants zémidjans qui stationnaient au bord de la route devant nos yeux », affirme un témoin de la scène. « C’est pourquoi les jeunes ont réagi vivement. »
Dans le quartier de Tokoin-Hôpital, des échauffourées ont été également signalées. De même, un confrère du journal Golfe Info a été violemment molesté dans ce secteur par les forces de l’ordre alors qu’il réalisait son reportage. Une radio privée a également annoncé ce mardi un bilan faisant état de plusieurs morts parmi les manifestants et un blessé grave parmi les gendarmes. Un communiqué du ministère togolais de la Sécurité faisait lui état d’ « un mort et de quelques blessés par balles dans le quartier Agoè », situé en banlieue nord de Lomé. Selon ce document officiel, la police a ouvert le feu quand les manifestants ont tenté d’attaquer une agence bancaire. Plus loin, à Hanoukopé, des pneus ont été incendiés. Les traces sont encore visibles.
Depuis 2002, Lomé ajuste automatiquement ses prix à la pompe à ceux des cours mondiaux. Mais, l’État n’a pas toujours tenu compte des baisses des cours du pétrole et du dollar. Pour justifier ce nouveau coup dur pour les populations, le gouvernement évoque les tendances mondiales et ses difficultés à continuer sa « politique de subvention ». Il y a actuellement « une hausse conjuguée de 33% des prix du pétrole de référence, le brent de Rotterdam, et la hausse du cours du dollar », a expliqué Kokou Gozan, ministre du Commerce. « L’Etat n’a pas les moyens de sa politique de subvention, il faut donc s’orienter vers une politique de vérité des prix », a-t-il poursuivi. Les manifestants, déterminés, ne l’entendent pas de cette oreille. Ils continuent de manifester alors que les bruits de jets de bombes lacrymogènes sont toujours perceptibles à différents endroits de la ville. Toujours pas de taxis ce mercredi. Le mouvement a été reconduit.