Togo ou l’échec des diplomaties occidentales en Afrique


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Quelques questions aux diplomates occidentaux en poste à Lomé : à quoi bon des élections, législatives ou présidentielle, dans des conditions où les vaincus, forts de leur armement et de leurs miliciens, peuvent refuser, chaque fois, de reconnaître le verdict des urnes et renverser à leur profit la majorité qui en est issue ? Comment envisager un seul instant que les Togolais acceptent une loi électorale taillée à la hache, synonyme pour eux de se laisser conduire à l’abattoir, sachant que ces mêmes militaires et miliciens pèsent d’ores et déjà de tout leur poids sur les prochains scrutins ? Et, enfin, par quel coup de baguette magique, justice peut être rendue aux victimes avec des lois viciées dont la nature ne donne aucune chance à l’alternance au Togo ?

« Celui qui paie choisit la musique ». S’il y a un pays que les bailleurs de fonds, sans craindre d’être taxés d’ingérence, peuvent tancer pour un refus obstiné de ses dirigeants de créer les conditions d’un apaisement, c’est bien le Togo. Le pouvoir de Lomé, en effet, vit de l’assistanat, de l’aide étrangère que lui procure l’Occident. Pendant que les ressources propres du pays prennent des destinations inconnues, pillées à la pelle. L’imposture est évidente au Togo ! Même retentissante. Tellement qu’on se demande si les bailleurs de fonds ne sont pas de grands naïfs qui s’investissent dans un rocher de Sisyphe qu’est devenu le Togo.

Jusqu’où ces occidentaux ne doivent-ils plus continuer cette lamentable corvée qui consiste à remplir d’eau la jarre trouée du RPT, quand tout le monde sait, en Afrique, que dans son état actuel, le Togo des Gnassingbé est comme « le tonneau des Danaïdes ». Un tonneau au fond percé que l’on remplit sans fin alors que son contenu est simultanément vidé par des dirigeants frivoles, dépensiers et peu soucieux des conséquences désastreuses de leurs actes.

La réalité, c’est que les amis (?) traditionnels du Togo ont beau financer des projets visant à soulager les populations, celles-ci continueront de croupir sous « la pauvreté accablante » que le diplomate allemand Joseph Weiss avoue avoir vue à l’intérieur du pays, aussi longtemps que l’alternance si chère aux Togolais n’aura pas lieu, aussi longtemps que les dialogues (de sourds) n’accoucheront pas d’un régime légitime et populaire qui donne impulsion, vie et avenir à ces projets.

Parmi ces pays et organisations (PNUD, UE, Allemagne, France, USA) dont l’argent public finance les élections au Togo, bien rares sont les parties qui exigent des comptes et des décomptes, une façon de se soucier réellement des intérêts de notre peuple. On nourrit çà et là, dans ces chancelleries, des visées obscures inavouables, sans grand souci du mieux-être, voire de la prospérité qu’est en droit d’escompter le peuple togolais. Ce peuple, depuis 22 ans maintenant, est à couteaux tirés avec ses dirigeants, réclamant un assainissement de la vie publique par un processus électoral juste. Doit-on rappeler la véritable foire d’empoigne qui avait débouché, en 2005, sur un carnage resté jusqu’aujourd’hui impuni, malgré les multiples rapports attestant que la tragédie avait bien pris place. Alors qu’il y a tout lieu de craindre une réédition, peut-être plus féroce et scandaleuse, pourquoi traîne-t-on ainsi des pieds ? Pourquoi ne veut-on pas, pour prévenir le bain de sang qui mouille chaque période électorale, moduler pour une fois, à Lomé, le langage diplomatique ?

Ces grands témoins de la tragédie togolaise n’ignorent quand même pas que la mobilisation populaire contre Faure et son parti, ces derniers mois, a redoublé de vigueur. Elles savent également que l’expression de ce ras-le-bol laisse présager que toute tentative de Faure Gnassingbé d’opérer, cette année, l’année prochaine ou en 2015, un passage en force à travers des élections truquées, va indubitablement faire basculer le Togo dans un chaos atroce, avec l’irruption inévitable de candidats fanatisés à qui personne ne pourra alors dénier le droit de vouloir en découdre avec un régime assassin et prédateur. Au lieu de parer au plus pressé en s’attaquant au mal par les remèdes appropriés capables de diminuer la fièvre, le PNUD, pour ne citer parmi tant d’autres que cet exemple tout à fait incongru, a cru devoir donner la priorité à une formation à l’attention des responsables des forces de sécurité, officiers et sous-officiers de la police et de la gendarmerie. Ladite formation, rapporte la PANA, avait été initiée par le Centre des Nations Unies pour la paix et le désarmement en Afrique(UNREC), et s’inscrit dans le cadre du Projet d’appui aux processus électoraux (PAPE) cofinancé par l’Union européenne(UE) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD. Il a suffi que les dirigeants togolais arguent qu’ils sont « animés d’une volonté de pacifier les prochaines élections » que ce beau monde s’exécute.

Doit-on, si tel était le cas, donner la priorité au recyclage des forces de l’ordre, aux ateliers et conférences sur d’improbables élections ou, doit-on mener une action diplomatique forte – la menace de fermer le robinet en est une – qui oblige le pouvoir à prendre des mesures vigoureuses qui règlent définitivement les pommes de discorde, sources des désastres électoraux mortels ? La récente initiative du PNUD s’apparente à un labour, la charrue devant le bœuf, à une distraction autant ou presque déboussolant que la déclaration, ô combien diffuse, du diplomate allemand invitant les protagonistes à « un dialogue sans lequel il ne faut attendre aucune solution de l’extérieur ». On est en plein, dans tous les cas, au beau milieu d’une confusion délibérément provocatrice, qui laisse la porte ouverte à tous les soupçons, notamment d’un complot international contre les intérêts du peuple togolais.

Les togolais croient, sans pouvoir être détrompé, que plus vite ce régime-tyran s’en ira, plus vite les esprits seront désarmés et la marche du pays vers l’ineffable enrayée. Autrement, l’éjection de Faure du pouvoir ou toute action visant à l’empêcher de briguer un troisième mandat en 2015 se présente comme une tache immédiate que, de concert, les Togolais avec la Communauté Internationale doivent impérativement accomplir si l’on veut neutraliser tous les courants extrémistes créés par la lassitude due aux échecs répétés des dialogues politiques successifs. « Là où l’injustice devient loi, la résistance est un devoir » : C’est ce que stipule, en d’autres termes, l’article 150 de la constitution togolaise. C’est ce que le peuple souverain demande aux bailleurs de fonds internationaux de mieux comprendre afin de l’aider à prévenir le pire, à venir à bout des ténèbres.

Selon ce qu’on observe, les diplomaties occidentales au Togo donnent l’impression de toujours demander plus de sacrifices à l’Opposition qui ne détient pas les leviers de l’Etat, sans jamais prendre la peine, ni avoir le courage d’appeler, en connaissance de cause, le pouvoir togolais à ses responsabilités, à respecter les règles qui régissent une élection dans un système pluraliste, règles que le RPT altère à son rassasiement, à coup de machette et de fusil. La France, l’Allemagne, l’UE dans son ensemble, et aussi l’ONU peuvent agir. Elles le doivent, peu importe le devoir de réserve que personne n’ignore, se fondant sur l’impératif de conjurer une nouvelle catastrophe électorale en gestation et sur le principe universel qui veut que ce soit ceux qui paient les musiciens qui choisissent la musique et la cadence. Ces financiers ont droit à la parole. Pourquoi ne la prennent-ils pas ?
Il est question, en lieu et place de cette diplomatie timide aux allures du double standard, non pas que l’Occident se substitue aux Togolais dans l’écriture de leur propre histoire mais de les accompagner dans la réalisation de leurs aspirations profondes. C’est un devoir historique, corollaire d’un devoir d’ingérence pour faire voir au RPT qu’un après-Gnassingbé, bel et bien, adviendra et que ce parti a beau jeu de s’insérer dores et déjà dans la perspective d’une alternance inévitable, condition sine qua non pour le rétablissement d’une démocratie plurielle dans ce pays martyr.

Les Togolais qui ont suivi avec un intérêt particulier l’intense activité des diplomaties occidentales, ces deux dernières années, en Afrique, ne comprendraient pas l’argument qui tenterait de leur faire croire qu’il n’existe pas dans la pratique diplomatique, des moyens coercitifs, des termes dissuasifs capables de faire comprendre à Faure Gnassingbé et à ses thuriféraires que seuls ceux qui payent le bal, c’est-à-dire le peuple souverain du Togo et les bailleurs de fonds, doivent mener la dance, et non le RPT/UNIR» ? Mais au cas où vraiment ces moyens et ces termes n’existent pas, il va falloir, à notre sens, les inventer à Lomé. Maintenant. Demain, il sera trop tard !

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Kodjo Epou est journaliste et chroniqueur pour différents médias, spécialisé sur l'Afrique et/où d'investigation. Il est aussi spécialiste de Relations Publiques
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