Quelles sont aujourd’hui les priorités concrètes de l’Agence Française de Développement au Togo? Telle est la première question que nous avons posée à Zolika Bouabdallah, Directrice de l’AFD au Togo, et engagée de longue date dans des actions de développement du Continent.
Zolika BOUABDALLAH : La réponse est au premier abord simple : nos objectifs prioritaires sont ceux que nous fixe le Gouvernement togolais. Au Togo, le fil rouge de nos actions est l’accès aux services essentiels. Nous intervenons donc dans de nombreux secteurs (l’accès à eau potable, l’amélioration des réseaux électriques, infrastructures scolaires et formation professionnelle, gestion des déchets, aménagement de pistes rurales et cette année l’agriculture).
En 2024, nous serons très attentifs à l’accélération de l’exécution des projets, car je l’ai dit, les projets appuyés sont principalement destinés à développer les services essentiels et les bénéficiaires ont besoin de voir les résultats des projets engagés. A titre d’exemple, nous sommes très impliqués aux côtés des équipes togolaises pour accompagner leur stratégie d’accès à l’eau potable dans le Grand Lomé, dans les villes secondaires et en milieu rural, principalement dans les régions des Savanes de la Kara.
Ce n’est pas assez et plusieurs chantiers sont sur le point de débuter : par exemple des usines de traitement dans les villes de Cinkassé, à Mandouri. Par ailleurs, je tiens à ce que nous développions une approche intégrée afin de prendre en compte la dimension du capital humain. Développer un secteur est une chose mais il est primordial de former pour pouvoir accompagner le développement de ces secteurs. Nous ferons en sorte de systématiquement proposer une composante formation directement dans les projets. Ainsi, nous travaillons avec le Centre de Formation aux Métiers de l’Industrie qui a mis en place une formation dédiée aux métiers de l’Eau et avec l’Université de Lomé qui prépare une formation destinée aux ingénieurs.
Le Togo a une stratégie très volontariste dans le domaine de l’agriculture, et nous lancerons en 2024 deux premiers projets dans le secteur : dans le domaine de l’irrigation pour l’aménagement d’environ 50 retenues d’eau et des périmètres irrigués environnants, nous aurons aussi un projet dédié à l’entrepreneuriat féminin agricole. J’y reviendrai mais ces projets sont portés en « équipe Europe », avec d’autres partenaires européens du développement.
Si vous le permettez j’aimerais juste donner quelques chiffres d’impacts :
o 400 000 bénéficiaires d’accès à l’eau potable
o +475 Communautés sensibilisées à la scolarisation de la jeune fille
o 384 salles de classe construites, la formation de 800 chefs d’établissements et la
formation de 8 000 enseignants
o 53 villes bénéficiaires d’extensions de réseau électrique
AFRIK.COM : Quel bilan tirez-vous des actions engagées en matière sportive, notamment en direction du sport féminin, au Togo ?
Zolika BOUABDALLAH : Comme vous le savez le sport est plus qu’une thématique pour l’Agence Française de Développement. Conformément aux engagements du Président Macron, et dans un contexte démographique qui adresse des défis inédits à destination de la jeunesse, le Groupe AFD a fait du sport un accélérateur d’investissements solidaires et d’impacts durables. Dans une logique partenariale (avec Paris 2024, la NBA, le CIO, peut-être un jour la FIFA ou encore la BAL) l’AFD finance et accompagne à la fois les entrepreneurs du sport, la société civile sportive, les acteurs du mouvement sportif et les politiques publiques sportives au service de la promotion du « sport pour toutes et tous ».
C’est véritablement un secteur d’intervention car depuis plusieurs années maintenant, sous l’impulsion du Président Emmanuel Macron et de notre Directeur Général Rémy Rioux nous avons pleinement intégré le sport dans nos actions. Fédérateur et vecteur de cohésion sociale, le sport est cité dans l’Agenda 2030 des Nations Unies pour contribuer à l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD), notamment en matière de santé, d’éducation ou encore d’égalité femmes-hommes. La pratique sportive est aujourd’hui reconnue autant pour ses vertus en termes de développement personnel (confiance en soi, sensibilisation, éducation) qu’en tant que vecteur de partage de valeurs (respect, partage, solidarité), d’inclusion, et de cohésion sociale entre les individus et les communautés. C’est
notamment un outil d’émancipation et de valorisation des filles et des femmes dans le monde permettant de lutter contre les stéréotypes de genre. Langage universel, le sport inspire, rassemble, fédère, façonne des identités et transforme chaque jour la vie des jeunes togolais en offrant un espace pour apprendre, s’émanciper, s’exprimer, s’engager et entreprendre.
Au Togo justement, nous soutenons plusieurs organisations de la société civile comme la fondation Sheyi Emmanuel Adebayor (SEA) ou l’Académie Swallows dont nous admirons le travail dans l’éducation, de la santé ou encore l’entreprenariat des jeunes au Togo, ou encore des associations togolaise via l’appel à projets Alley-Oop Africa (cofinancée par la Basketball Africa League) qui avait pour objectif de sensibiliser les jeunes aux enjeux du développement durable via le sport et les outils médias.
Il s’agit aussi d’accompagner le Gouvernement dans le financement d’infrastructures, nous avons un premier projet « original » qui a permis d’intégré une composante sport dans un projet de gestion des déchets urbains dans le grands Lomé. Trois sites sportifs sont en cours de construction et seront accessibles aux habitants des communes concernées. Evidemment nous espérons poursuivre cette dynamique avec le Ministère des Spots et de Loisirs pour la rénové de stades dans le pays, accompagné la politique de sport scolaire.
AFRIK.COM : L’AFD soutient-elle aussi les initiatives en matière d’Industries Culturelles et Créatives au Togo ?
Zolika BOUABDALLAH : A date nous avons quelques actions de soutien aux Industries Culturelles et Créatives et notamment dans le cadre du projet de développement urbains évoqué plus haut. Pour renforcer sa campagne de sensibilisation des jeunes à la question des déchets, le District Autonome du Grand Lomé a mobilisé plusieurs organisations togolaises et mis en place des ateliers de création au cours desquels des élèves ont créé des œuvres d’art à partir de matériaux provenant de déchets plus précisément des tableaux à partir de collages. Les deux artistes togolais qui ont animé ces ateliers sont Yao Bobbi et Tesprit. Je conseille vivement à chacun de vos lecteurs d’aller voir ce que font ces deux formidables artistes. D’ailleurs par le biais du Fonds Métis, l’AFD a soutenu une colla entre Tesprit et un artiste indien. Le premier est venu en résidence au Togo et c’est au tour de Tesprit de se rendre en Inde. Là encore leur travail est axé sur la valorisation de déchets et vise à sensibiliser sur les questions de pollution à travers un travail artistique. Ils ont réalisé ici des zèbres à partir de plastique recyclé et c’est « bluffant » !
Nous aimerions là aussi développer ces actions à l’aune de ce soutient l’Agence Française de Développement dans d’autres pays de la zone où nous proposons une offre ICC plus complète combinant financement, ingénierie de projet et appui à maîtrise d’ouvrage. L’AFD a ainsi apporté son appui au programme Crea Fund financé par Proparco sur délégation de fonds de l’Union européenne et dédié à l’accès au financement des entreprises actives dans les ICC en Afrique et dans les Caraïbes. L’AFD a également financé trois projets appuyés techniquement par Expertise France : le « Musée d’Abomey » au Bénin, (musée de l’épopée des Amazones et des Rois du Dahomè et valorisation du site des palais royaux d’Abomey), le « Palais national » en Égypte ou encore la rénovation des « Églises de Lalibela » en Éthiopie (4,9 M€) (des travaux d’urgence et de mise en sécurité du site historique, organisation d’une exposition numérique portée par le CNR. En fonction des projets, nous espérons pouvoir investir ce secteur au Togo également.
AFRIK.COM : Comment l’action de l’AFD s’articule a-t-elle avec celle d’autres bailleurs de fonds internationaux ?
Zolika BOUABDALLAH : Le Directeur général de l’AFD Rémy Rioux le répète inlassablement: face à l’immensité des besoins, les bailleurs internationaux doivent sans cesse développer une approche partenariale afin de maximiser les impacts de leurs projets. Les partenariats sont littéralement notre ADN notre activité et fondée sur le partenariat avec les pays dans lesquels nous intervenons. L’AFD est une institution résolument partenariale et a d’ailleurs un département dédié à développer nos coopérations avec les autres bailleurs du monde entier. Bien sûr pour des raisons structurelles notre premier partenaire financier est l’Union Européenne (nous sommes le premier bailleur en termes de mobilisation de délégations de fonds) sur le terrain nous déployons un travail en Equipe Europe avec les bailleurs européens. Notre maître mot c’est la coordination des efforts. Par exemple, sur la formation professionnelle au Togo, l’AFD collabore étroitement avec la KfW, notamment sur le partage de connaissances et de bonnes pratiques. Nous cofinançons plusieurs projets avec d’autres partenaires comme la Banque Mondiale (notre Directeur Général vient de signer à Paris un accord en ce sens avec le Président de la Banque Mondiale).
AFRIK.COM : Concrètement comment un projet Togolais peut-il obtenir le soutien de l’AFD?
Zolika BOUABDALLAH : Avant tout, l’AFD soutient les projets définis comme prioritaires par le gouvernement togolais conformément à son programme de développement. Au-delà, nous faisons régulièrement des appels à projet accessibles aux partenaires togolais. Concrètement, les appels à projets, tels que l’Initiative pour les Organisations de la Société Civile (I-OSC), organisée annuellement, ont pour objectif de renforcer les capacités des OSC françaises et internationales. Ils offrent des opportunités de soutien financier et technique pour des structures expérimentées qui ont déjà une part d’autofinancement. Le prochain appel à manifestation d’intérêts sera lancé en mars 2025. Au Togo, 31 OSC bénéficient actuellement de cette initiative. Il y aussi régulièrement des appels à projets ou propositions lancés par l’AFD et pour faire un peu d’autopromotion j’incite vos lecteurs à regarder régulièrement les réseaux sociaux de l’AFD et de me suivre car je relaie régulièrement les informations utiles… Il est important de regarder régulièrement le site de l’AFD !